Dan2032 Cancer médullaire Belgique |
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Posté le: 02. Mai 2007, 16:33
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Je vous recopie ci-après le témoignage d'une jeune personne qui relate ses problèmes de santé avec beaucoup d'humour. Son histoire permet de relativiser nos petits soucis quotidiens.
Dan
Bonjour,
Je m’appelle Richard, j’ai 24 ans et j’ai un nævus géant en caleçon. Bon d’accord, ça n’a pas été facile tous les jours d’avoir cette tache (comme mes parents ont décidé de l’appeler) mais je suis toujours vivant, en très bonne santé et surtout, pour rien au monde je ne voudrais qu’on enlève MON nævus. C’est un peu difficile de vous raconter mon histoire, mais je vais essayer.
Il y a donc 24 ans, une très jeune mère (19 ans) ressent les premières contractions utérines de sa seconde grossesse avec un peu plus d’un mois d’avance. Avec une urgence fougueuse son mari (qui n’est pas beaucoup plus vieux) se précipite vers une petite clinique du 93. Elle y met au monde un gros bébé en pleine forme mais qui, bizarrement, doit être transféré vers un hôpital tout proche avant que la jeune femme puisse le voir.
Le médecin lui expliquera plus tard que son fils a un angiome fessier très développé et que des analyses sont nécessaires. Son fils lui sera rendu 15 jours plus tard avec un fessier laissant apparaître de larges cicatrices qui n’ont pas été toutes suturées. Bref, après cette aventure tumultueuse, cette femme, ma mère, récupère son fils, moi.
J’ai été élevé comme si cette différence n’en était pas une et je dois dire que cela m’a beaucoup aidé à accepter mon très joli fessier. Bon OK, j’avoue que je n’ai pas ri tous les jours, surtout quand après les conseils d’un « ami » je l’ai gratté au compas pour enlever la terre qui était coincée dans la peau, ou quand un jeune africain me demanda avec « humour » si ma mère m’avait assis sur la plaque électrique de la cuisinière. Heureusement que mon grand frère était là pour lui demander si sa mère à lui ne l’avait pas oublié dans le four ! (Ce n’est certes pas très courtois mais assez efficace !).
J’ai aussi des souvenirs affligeants de la piscine ou les réactions les plus dures à vivre ont été celles des adultes qui regardent, sans en avoir l’air parfois, et ameutent tout l’entourage juste histoire que eux aussi profitent de ce spectacle sensationnel… « Mesdames, Messieurs approchez, venez voir le monstre bicolore, le panda humain… » Bref, facile à vivre quoi !
Mais encore une fois mon éducation et mon entourage m’ont appris que l’apparence n’était pas grand chose et que l’important est ce que j’ai dans la tronche et pas sur les fesses. Donc très vite j’ai accepté cette différence, je ne me posais pas trop de questions en allant à la piscine que je fréquente très souvent.
Vers l’âge de 8 ans, ma mère m’a conduit chez le médecin de ville parce que sur mon naevus il y avait une boule, un machin qui poussait à grande vitesse. Le seul souvenir de l’apparition de cette « boule » est un bouton, que j’avoue avoir tripoté avec ardeur, et qui c’est mis à gonfler. Bref, le médecin après quelques regards étonnés et quelques palpations réglementaires annonce son verdict : « C’est une boule de graisse ». Ouf ce n’est pas un cancer !
Donc me voilà reparti pour une vie ma foi agréable, des vacances chaque année au Portugal (pays natal de mon père) ou trempette et bronzette étaient les seules occupations de mes journées. Bon évidemment à cette époque les protections solaires ce n’était pas le top et surtout pas connu, alors la crème Nivea suffisait pour hydrater la peau et maintenir un joli bronzage qui faisait ressortir avec merveille mes yeux noisettes pas mûrs.
A 18 ans, je viens de décrocher le bac série D (sans mention parce que je ne suis pas travailleur), c’est les vacances et je suis donc torse nu. Ma mère remarque que la boule dont je me souciais peu avant, avait pas mal grossi. Donc rendez-vous illico presto chez le médecin, le même que 10 ans en arrière, et il nous adresse à un dermato parce qu’il reconnaît, ce coup-ci, qu’il ne sait pas comment gérer « une pareille, enfin un pareil… enfin ça quoi ! »
Donc dermato, prélèvements. Les résultats étaient prévus pour trois semaines plus tard. Au bout de 2 semaines appel du remplaçant du dermato : « alors surtout ne vous inquiétez pas, mais c’est quand même très urgent, alors si vous pouviez venir tout de suite, sans vous inquiéter, ça serait quand même bien, mais sans vous inquiéter bien sur ! Et me voici, devant le dermato… ah non, c’est son mari gastro-entérologue (le dermato c’était sa femme), enfin bref, devant lui coincé entre mes parents, attendant le verdict (et là je transcris très fidèlement ce que j’ai entendu) « Mon garçon tu as un mélanome, c’est un cancer très grave, tu en as pour 2 ans… » Ben tiens !!! Et moi je reste stoïque parce que ma mère pleure déjà et mon père a très envie de mettre le nez de cette homme au contact de son poing.
Le seul avantage que je vois à cette annonce, c’est d’avoir entendu le mot cancer parce que je ne l’ai plus entendu que ce soit de la bouche de mes parents ou des autres médecins. Je regrette tout de même sa brutalité et son pessimisme.
Bref, rendez-vous à St Louis pour la 1ère exérèse, puis pour l’IRG pour reprendre les contours parce que le mélanome était très étendu (ben oui, 10 ans d’incubation !!!) Résultat : 80 points de sutures, seuls 60 tiennent. J’ai oublié de dire que je cicatrise très mal, enfin on va plutôt dire que je nécrose très bien. Bref après quelques tentatives pour refermer cette plaie le chirurgien décidé de me laisser avec un trou dans le dos où je pouvais très facilement mettre mon poing. Enfin, après 3 mois c’est enfin guéri. Mais quelques temps plus tard, lors d’une visite mensuelle à l’IRG on découvre une autre boule, un truc bizarre constitué de mélanocytes sans mitose, donc non cancéreux ou plutôt pas très agressif …
Aujourd’hui je ne compte plus les cicatrices sur mon nævus, je ne sais plus combien on m’a enlevé d’autres petites tâches (petites mais pas très jolies) mais par contre je ne suis pas loin du record du monde de points de sutures… Je sais que ma particularité me dessert en ce qui concerne la santé puisque je dois encore payer ces quelques années d’ensoleillement intense au Portugal, je sais que je développerais des cancers cutanés toute ma vie mais j’avoue que maintenant je ne vois pas trop la différence entre cancer et grippe (bien moins fréquente chez moi que le cancer). Je suis même presque heureux que cela me soit arrivé parce que je regarde les gens de mon âge, je les sens même très préoccupés par la couleur de leurs fringues, la meilleure coiffure pour plaire ou la dernière rupture en date… Je m’attache à vivre du mieux que je le peux même si la vie d’étudiant n’est pas facile puisque non rémunéré, afin d’arriver au but que je me suis fixé : faire partir des chercheurs qui, un jour, permettront de guérir non pas les cancers, ce qui est plutôt bien parti puisque je commence une thèse de génétique dans un labo de recherche sur le cancer.
Je tiens à réécrire que mon nævus, ma tache, fait entièrement partie de moi, sans elle je n’aurais pas cette force de caractère, ce détachement vis-à-vis des tracas quotidiens… je n’aurais certainement pas un si joli fessier !
Il faut bien avouer que je n’imagine pas un seul instant à quoi il pourrait ressembler en blanc, a tout le monde quoi ! Personnellement, je préfère être particulier, au moins ça permet d’entamer des discussions…
Une autre histoire : il y a deux mois j’étais à la piscine (j’y passe ma vie) et un p’tit bout de chou (enfin 12 ans) vient me voir et me demande : « Qu’est-ce que c’est dans votre dos Monsieur ? » J’avais le choix de répondre : « C’est un nævus géant en caleçon et la cicatrice est due à une large exérèse visant à supprimer un mélanome malin… » ou plus simplement « j’étais en Australie pour faire du surf et je me suis fais attaquer par un requin blanc, tu vois la cicatrice ce sont ses dents et comme il me fallait une greffe de peau et qu’il n’y avait que de la peau d’africain et bien je l’ai prise ! ». Je vous laisse deviner laquelle des deux j’ai choisi.
Il faut prendre les choses avec humour car cela aide à accepter, il ne faut pas se cacher pour ne pas se renfermer.
J’espère que mon témoignage sera une aide pour d’autres…
Richard |
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