Beate
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Posté le: 16. Oct 2009, 11:24
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Réactions du président du CISS (comité interassociatif sur la santé, dont notre association fait partie, en Midi-Pyrénées), Christian Saout, dans un "chat" publié dans le journal le Monde :
http://www.seronet.info/system/files/shared/admin/images/iconos_du_contenu/christiansaout_450.jpg
www.leciss.org
http://www.lemonde.fr/societe/chat/....._3224.html#ens_id=1253880
Citation: | Chat
Système de santé : "Il faut mixer paiement à l'acte et paiement au forfait"
LEMONDE.FR | 13.10.09 | 17h18
Dans un chat sur Le Monde.fr, Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé, estime que "le paiement à l'acte est très inflationniste car il pousse à faire du chiffre".
Arabal : Peut-on dire qu'il existe aujourd'hui en France une médecine à deux vitesses ? Ceux qui peuvent payer les cliniques privées (confort, rapidité) et les autres ?
Christian Saout : Oui, sûrement. Il y a une médecine pour ceux qui peuvent se payer des dépassements d'honoraires ou acheter une assurance pour couvrir ces dépassements, et pour tous les autres.
Djam : Tout le monde peut être confronté à une hospitalisation en privé ou public et de plus en plus souvent les chirurgiens réclament un dessous-de-table assez élevé pour opérer. Comment lutter contre ces pratiques et que peut faire la justice ?
Les dessous-de-table sont interdits, contrairement aux dépassements d'honoraires. La difficulté, c'est la preuve, car le dessous-de-table est payé en liquide. Il faudrait le payer en chèque. Cela étant, il y a des sanctions très graves du Conseil de l'ordre sur les dessous-de-table : la radiation ou la suspension du médecin. Mais là encore, il y a peu de saisines du Conseil de l'ordre. Les Français se taisent sur tout ce qui se passe. Je ne sais pas s'ils le comprennent, car c'est assez insidieux.
Petit bout par petit bout, on défait la couverture sociale sans vraiment le dire, c'est la technique de la grenouille dans la casserole d'eau chaude : si on la met dans l'eau froide et on augmente la température, elle ne s'en aperçoit pas. Un petit coup de forfait, de déremboursement de médicaments... c'est ce qu'on fait cette année. On augmente le forfait hospitalier, on fiscalise les indemnités journalières, etc. Tous les ans on fait cela.
Defensedelamedecineliberale : Pourquoi celui qui se présente comme le défenseur des patients se contente-t-il de dénoncer le niveau des dépassements (dans le public comme dans le privé) et non pas le principe de ces dépassements ?
Je pense que c'est clairement le principe des dépassements d'honoraires qui est visé. La position du collectif, pour moi, est une position d'hostilité à ces dépassements. Nous préférerions des tarifs justes, révisables à la baisse ou à la hausse, et sans dépassement d'honoraires.
On l'a écrit dans la lettre au Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie. Ce serait une erreur de penser qu'on ne s'intéresse qu'au niveau des dépassements.
Yapou : Quelles sont vos propositions pour améliorer l'accès aux soins en France dans la mesure où il existe un carcan budgétaire qui limite fortement toutes les pistes d'innovation ?
C'est vrai qu'il y a un carcan budgétaire. La France a fait le choix d'écarter l'augmentation des ressources pour l'assurance-maladie, et maintenant, de nombreuses voix s'élèvent pour qu'on augmente les ressources : celle du collectif, mais aussi celle du président de la Cour des comptes. Hier, un député UMP s'est prononcé pour qu'on sorte la CRDS (cotisation au remboursement de la dette sociale) du bouclier fiscal pour avoir plus de ressources pour les dépenses de santé.
Ipokrate : Mais le "carcan budgétaire" est une bonne occasion de rationaliser le système en terme de pertinence de la dépense. Si on augmente les ressources sans rationaliser, cela ne serait-il pas un encouragement à poursuivre les dérives actuelles, voire à les amplifier ?
Vous avez raison. Il faut faire les deux. Des ressources nouvelles car on n'a pas le choix, et optimiser le système de santé. Parce qu'il y a des gaspillages : par exemple, on vous fait faire un scanner pour les deux genoux et on vous propose de venir un jour pour l'un et un autre pour l'autre, et il y a deux actes. Si on vous prescrit trois radios, on vous propose de revenir deux jours différents pour facturer deux fois. Je l'ai vécu.
Il y a donc des efforts d'organisation à faire. Ce sont aussi des hôpitaux qui ont besoin de montrer qu'ils font des actes pour faire rentrer de l'argent pour rééquilibrer les comptes. Exemple : de nombreuses maladies chroniques sont prises en charge à l'hôpital. Or à l'hôpital on sait faire du tarif avec des actes techniques, et pas avec des actes cliniques. Donc on fait du technique et on fait des examens dont on n'est pas certain que les gens ont besoin, pour faire rentrer de l'argent.
La tarification à l'activité, créée dans la loi de 2004, devient absurde. On ne va pas faire des scanners à tout le monde pour faire rentrer de l'argent.
GL69 : Ne faudrait-il pas aller plutôt vers une diversification des modes de rémunération des médecins qui permettrait de sortir de l'impasse secteur 1/secteur 2 + dépassements. Les médecins sont payés sur des deniers publics !
Evidemment, il faut modifier les modes de paiement. Tous les pays comparables au nôtre ont mélangé le paiement à l'acte avec le paiement au forfait. La Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède par exemple. Et on sait que le paiement à l'acte est très inflationniste car il pousse à faire du chiffre. Le paiement au forfait, c'est l'idée par exemple que pour une pathologie donnée, le diabète, le médecin sera payé 2 000 ou 3 000 euros, au forfait, pour l'année, quelle que soit la quantité de rendez-vous dont il aura besoin. Le lobby médical français est très opposé à cela.
Hop : Est-ce qu'il existe d'autres solutions ?
Il y a d'autres solutions : faire de vraies tarifications révisables à la baisse et à la hausse, et mixer les rémunérations entre l'acte et le forfait.
GL69 : Quelle est la position des syndicats médicaux sur une diversification des modes de paiement ? Je n'ai pas entendu beaucoup d'expression des syndicats médicaux français là-dessus, car je crois qu'il y a une préférence française pour le paiement à l'acte, parce qu'il n'est pas très cher.
On ne paie pas beaucoup la consultation en France par rapport aux pays étrangers, donc c'est beaucoup plus facile de faire du chiffre.
Doc44 : Quel est votre avis sur le secteur optionnel ?
Avec le secteur optionnel, on ne va pas supprimer le secteur 2 [honoraires libres], on va avoir un nouveau secteur, entre le secteur 1 [tarifs remboursés par la Sécurité sociale] et le secteur 2, avec dépassements plafonnés. On a donc un risque majeur de voir les médecins du secteur 1 aller vers le nouveau secteur optionnel et ne plus avoir d'offre à tarif "Sécu". C'est ce qu'on nous avait dit en 1980, que le secteur 2 était pour une poignée de médecins, et finalement, c'est devenu la règle générale.
Dom_bene : que penser des rémunérations à la capitation (nombre de patients que l'on a en charge) comme dans certains pays (Bulgarie par exemple) ?
On s'approche un peu plus du salariat, où le médecin est payé pour une patientèle donnée. Mais peu de pays ont mis cela en place. La Grande-Bretagne l'a fait, mais en maintenant un paiement à l'acte.
Ipokrate : Il y a aussi des interventions d'utilité discutable, des médicaments d'intérêt suspect. Tout cela passe aussi par l'information des patients et des usagers. Sur ce plan, n'y a-t-il pas beaucoup à faire, et les associations ne doivent-elles pas faire campagne là-dessus ?
C'est là qu'il y a le plus de choses à faire, probablement. Il faut se souvenir qu'en 2002, dans la loi du 4 mars, il y avait un objectif d'information des patients. Et on avait créé un outil pour cela qui s'appelle le Fonds pour l'information médicale. Il a été supprimé en 2003. Donc il n'y a plus beaucoup d'argent pour informer les patients. Il y en a pour informer les médecins, la Haute autorité de santé, qui parle un jargon incompréhensible pour les patients.
On a donc un vrai déficit d'information des patients dans ce pays. Et les associations peuvent informer les patients, à condition qu'on leur donne l'argent pour le faire. Sinon, elles devront faire des actions d'information seulement avec l'argent de l'industrie pharmaceutique, ce qui les rendra suspectes.
Camille_M : Quelles sont les catégories dont l'accès aux soins est le plus compromis ? On pense immédiatement aux personnes en situation irrégulière par exemple. Il semble que la France ne satisfait pas complètement à ses obligations aux termes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels...
La France a le régime de prise en charge des étrangers malades le plus favorable d'Europe. Cela étant, ce n'est pas parce qu'il est le plus favorable qu'il est optimal. Mais aujourd'hui, un des paradoxes qu'on a, c'est que les personnes à la CMU ou à l'AME sont plutôt garanties d'avoir des soins pris en charge à 100 % et que les victimes des choix qui sont faits en ce moment sont plutôt ceux qui sont entre 650 euros et 3 000 euros de revenus, qui prennent de plein fouet les franchises, les forfaits et les dépassements.
Karim : Les classes moyennes ne seront-elles pas, à leur tour, touchées par les restrictions de soins ?
Ce sont les classes moyennes basses qui sont touchées, celles qui sont juste au-dessus du seuil de déclenchement de la CMU - environ 650 euros. On a créé l'aide à la complémentaire santé, mais cela ne fonctionne pas bien. On est obligé de remonter les seuils tous les ans.
Et là, avec l'affaire du secteur optionnel, les mutuelles vont augmenter de 10 %, donc ce sera encore plus inaccessible.
Top : Pourquoi les médecins qui refusent l'accès aux personnes bénéficiant de la CMU ne sont pas plus sévèrement sanctionnés ?
Parce que c'est très compliqué. Il faut saisir la caisse d'assurance-maladie, ou le Conseil national de l'ordre, et les gens ne le font pas.
Il y a des sanctions qui existent, et en cas de dépassement exorbitant, la caisse d'assurance-maladie peut agir elle-même et saisir le Conseil de l'ordre, mais elle ne le fait pas beaucoup non plus. Pour donner un exemple, à Paris, là où il y a le plus de dépassements, je crois savoir qu'il y avait sept saisines du Conseil de l'ordre seulement.
Oups : Pourquoi ne pas contraindre les médecins à passer au moins leurs premières années dans les zones les plus "désertiques" médicalement parlant ?
Eh bien je ne sais pas. En fait, si, je sais, car cette discussion, on l'a eu l'année dernière, aux états-généraux de l'organisation des soins (EGOS) et les médecins nous ont expliqué qu'ils n'étaient pas comme les autres. Que certes, leurs études étaient payées par l'Etat, mais qu'on n'avait pas le droit de leur imposer d'aller dans un endroit donné. Chacun appréciera.
Laetitia Clavreul |
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