Beate
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Message: (p328175)
Posté le: 23. Aoû 2012, 13:57
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Bonjour,
c’est normal de se poser des questions – et tu n’es pas la première qui s’angoisse devant ces différences de suivi, après comparaison avec ce que d’autres patients racontent sur le forum !
En fait, les recommandations officielles (qui datent de 2007, pour le référentiel français) ne sont pas immuables, mais sont régulièrement mises à jour, en fonction des retours d’expérience, des nouveaux produits arrivant sur le marché (le Thyrogen en 2005, maintenant les thérapies moléculaires ciblées ou les tests ultrasensibles de la TG ...), des nouvelles techniques etc !
Mais avant la publication d’une nouvelle version des référentiels, il se passe généralement un certain temps, car ces textes sont élaborés par des groupes de travail composés de spécialistes nationaux et internationaux, et chaque détail est longuement discuté. Il arrive donc que certaines pratiques et améliorations soient DÉJÀ appliquées, dans les hôpitaux et centres anti-cancer, alors que les recommandations indiquent encore une manière différente de faire.
Actuellement, le référentiel officiel (de 2007) dit encore ceci, sur la surveillance :
Citation: | À 6-12 mois, l’état de la maladie est vérifié par un examen clinique, une échographie cervicale, et un dosage de Tg sérique obtenu après stimulation par rhTSH (réalisé 3 jours après la deuxième injection de rhTSH). (…) Les patients à faible risque avec une échographie cervicale normale et un taux de Tg indétectable après rhTSH sont considérés comme guéris, car les rechutes ultérieures sont très rares (1 % à 10 ans). (…) Les patients avec Tg sérique détectable après stimulation par la rhTSH mais inférieure au seuil institutionnel (généralement compris entre 5 et 7 ng/ml) doivent être soumis à un autre test de stimulation par la rhTSH 6 à 12 mois plus tard. Si la Tg sérique devient indétectable, le patient est considéré comme guéri. Si la Tg sérique augmente au delà de son taux précédent, une rechute de la maladie doit être recherchée. |
Donc, d’après ces recommandations, on est officiellement déclaré « guéri » (ou plutôt « en rémission complète », terme préféré par les médecins) après un contrôle avec stimulation, réalisé entre 6 et 12 mois après la cure d’iode (ou après le contrôle précédent), si la TG reste "indétectable" même avec une TSH haute.
Or, concernant le Thyrogen, la « rupture de stock » de 2011 a certainement contribué à accélérer les choses (mais même sans cela, je pense que cette évolution se serait faite) : ces dernières années, grâce notamment à l’arrivée sur le marché de tests de TG « ultrasensibles », on s’est rendu compte de ce que finalement, la stimulation (soit par arrêt du Lévothyrox, soit par injections de Thyrogen) n’était pas toujours nécessaire pour un bon suivi !
Cela concerne uniquement les cancers à faible risque, et concerne seulement ceux dont la TG est indétectable, qui n’ont pas d’anticorps anti-TG et qui ne présentent aucune autre particularité, notamment à l’échographie.
Il y a eu des études à ce sujet dès 2007, voir p.ex. cet article publié dans le JCEM : http://jcem.endojournals.org/content/92/1/82.full.pdf+html :
Citation: | Conclusions: Patients with differentiated thyroid carcinoma and a T4-suppressed serum Tg below 0.1 ng/ml rarely have a rhTSH-stimulatedTg above 2 ng/ml, and none of these patients had 131I or 123I imaging after rhTSH stimulation suggestive of local recurrence or distant metastasis. We recommend monitoring such patients with a T4-suppressed Tg level and periodic neck ultrasonography. An increase in T4-suppressed serum Tg to a detectable level or the appearance of abnormal lymph nodes by physical or ultrasound exam should prompt further investigation. (J Clin Endocrinol Metab 92: 82–87, 2007) |
Le référentiel américain est plus récent et tient déjà compte de ces résultats (mais il faut toujours un certain temps pour la traduction et l’adaptation, car il y a des différences d’un pays à l’autre dont il faut tenir compte), il date de 2009.
Citation: | Differentiated Thyroid Cancer: Long-term Management
Serum Thyroglobulin (Tg) Measurements
RECOMMENDATION 43
Serum Tg should be measured every 6–12 months by an immunometric assay that is calibrated against the CRM- 457 standard. Ideally, serum Tg should be assessed in the same laboratory and using the same assay, during followup of patients with DTC who have undergone total or near
total thyroidectomy with or without thyroid remnant ablation. Thyroglobulin antibodies should be quantitatively assessed with every measurement of serum Tg. Recommendation rating: A
RECOMMENDATION 44
Periodic serumTgmeasurements and neck ultrasonography should be considered during follow-up of patients with DTC who have undergone less than total thyroidectomy, and in patients who have had a total thyroidectomy but not RAI ablation. While specific cutoff levels during TSH suppression or stimulation that optimally distinguish normal residual
thyroid tissue from persistent thyroid cancer are unknown, rising Tg values over time are suspicious for growing thyroid tissue or cancer. Recommendation rating: B
RECOMMENDATION 45
(a) In low-risk patients who have had remnant ablation and negative cervical US and undetectable TSH-suppressed Tg within the first year after treatment, serum Tg should be measured after thyroxine withdrawal or rhTSH stimulation approximately 12 months after the ablation to
verify absence of disease. Recommendation rating: A
The timing or necessity of subsequent stimulated testing is uncertain for those found to be free of disease, because there is infrequent benefit in this patient cohort from repeated TSH stimulated Tg testing (289).
(b) Low-risk patients who have had remnant ablation, negative cervical US, and undetectable TSH stimulated Tg can be followed primarily with yearly clinical examination and Tg measurements on thyroid hormone replacement. Recommendation rating: B |
Pour résumer, cela dit : chez les patients qui ont eu une cure d’iode, une échographie cervicale sans particularités et une TG indétectable après stimulation, il suffit de faire un examen clinique et une analyse de la TSH sous lévothyroxine une fois par an.
Et voilà le guide de la société européenne d'oncologie, de mai 2010, c'est le texte qui explique le mieux cette histoire de TG "sans stimulation" chez les patients à faible risque considérés comme guéris - non encore en tant que "recommandation", mais comme considération pour l'avenir (or, entretemps, la rupture de stock du Thyrogen a hâté cette évolution) :
http://annonc.oxfordjournals.org/content/21/suppl_5/v214.full.pdf
Citation: | short-term follow-up
The aim of the follow-up is the early discovery and treatment of
persistent or recurrent locoregional or distant disease. The large
majority of local recurrences develops and is detected in the
first 5 years after diagnosis. However, in a minority of cases,
local or distant recurrence may develop in late follow-up, even
20 years after the initial treatment.
Two to three months after initial treatment thyroid function
tests (FT3, FT4, TSH) should be obtained to check the
adequacy of LT4 suppressive therapy. At 6–12 months the
follow-up is aimed to ascertain whether the patient is free of
disease (Table 2). This follow-up is based on physical
examination, neck US, basal and rhTSH-stimulated serum Tg
measurement with or without diagnostic WBS. At this time
most (nearly 80%) of the patients will belong to the low-risk
categories and will disclose normal neck US and undetectable
(<1.0 ng/ml) stimulated serum Tg in the absence of serum
Tg antibodies. Diagnostic WBS does not add any clinical
information in this setting and may be omitted. These patients
may be considered in complete remission and their rate of
subsequent recurrence is very low (<1.0% at 10 years).
long-term follow-up
The subsequent follow-up of patients considered free of disease
at the time of their first follow-up will consist of physical
examination, basal serum Tg measurement on LT4 therapy and
neck US once a year. No other biochemical or morphological
tests are indicated unless some new suspicion arises during
evaluation. The question of whether a second rhTSH stimulated
Tg test should be performed in disease-free patients
is a matter of debate. Recent studies reported that this
procedure has little clinical utility in patients who had no
biochemical (undetectable serum Tg) or clinical (imaging)
evidence of disease at the time of their first rhTSH-Tg. In this
group, the second test confirmed complete remission in almost
all patients.
Recently, new methods for serum Tg measurement
with a functional sensitivity of <0.1 ng/ml have become
available. Using these systems some authors reported a much
higher sensitivity of the assays. In their experience undetectable
basal serum Tg (<0.1 ng/ml) using ultrasensitive assays should
give the same information as a stimulated Tg value and thus the
authors recommended that rhTSH-Tg testing should be
abandoned. However, the higher sensitivity of these tests is at
the expense of lower specificity. |
Et c’est aussi ce qui se dit dans tous les congrès etc, tant au niveau national qu’international, et ce qui se fait déjà dans certains hôpitaux spécialisés dans le suivi de ces patients – à ma connaissance, une version « actualisée » du référentiel français devrait sortir bientôt. Je crois d'ailleurs qu'on parle actuellement déjà d'une nouvelle révision des guidelines américaines ... cela ne s'arrête pas (et le progrès non plus) !
Seul souci : les "faux positifs" avec les tests ultrasensibles (TG qui semble avoir augmenté alors qu'en fait il n'y a rien) : mais justement, SI jamais, lors d'un de ces tests de la TG sous Lévothyrox, la TG augmente, on programmera par la suite un test "avec stimulation" !
Mais pour tous les autres patients, cela évite un test non seulement cher (coût du Thyrogen environ 800€), et qui chamboule quand-même l'organisme (même si on n'est pas en hypo comme lors d'une défrénation classique), mais surtout dont le résultat sera négatif dans la grande majorité des cas.
Documentation :
Référentiel officiel français de 2007 (basé sur les guidelines américaines de 2006), sur le site de la SFE : http://www.sfendocrino.org/_images/.....nsensus_final_ctdsvs2.pdf
Référentiel officiel américain de l’American Thyroid Association (« revised guidelines ») de novembre 2009 : http://thyroidguidelines.net/revised/taskforce
Guide de l'ESMO (European Society for Medical Oncology), mai 2010 : http://annonc.oxfordjournals.org/content/21/suppl_5/v214.full.pdf
J’espère que cela répond à ta question (que beaucoup d’autres se posent certainement aussi) ! En septembre, j'assisterai à deux grands congrès internationaux sur la thyroide, de l'ETA et de l'ATA, et ils vont certainement en parler - je vous rapporterai des nouvelles toutes fraiches !
Il est vrai qu’en tant que patient, pouvoir se renseigner sur Internet, comparer avec le cheminement d’autres patients, peut être à la fois rassurant ET anxiogène, car on a du mal à comprendre pourquoi tel patient aura une cure d’iode, tel autre (avec un cancer très similaire) non, tel aura un contrôle sous Thyrogen, tel autre en défrénation, tel autre rien du tout …
Le plus important, c’est le bon SUIVI, et cela à vie : TG/anti-TG une fois par an (sous Lévothyrox), palpation, éventuellement échographie – si jamais il devait y avoir quelque chose, soit la TG augmenterait (même sous traitement), soit les anti-TG, soit on verrait des ganglions bizarres à l’écho … et il serait alors toujours temps de faire un contrôle avec stimulation ou d’autres examens ! Mais si tout a été BON, vraiment bon, il est très rare que cela arrive !
Gros bisou !
Beate |
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