Sylviane91 Inscrit le: 04.09.17 Messages: 2718Ablation thyroïde ca... |
Message: (p490328)
Posté le: 12. Avr 2018, 07:31
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UN SITE DE L’EDUCATION NATIONALE
10 OCTOBRE 2017 COLLECTIF 39
Le 29 septembre, le groupe enfance du « Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire » a organisé à Nanterre, avec l’Association Pour la Psychanalyse ( où milite Gérard Pommier) et d’autres associations, une action autour d’un colloque sur les TDAH ( trouble déficit de l’attention avec hyperactivité).
Ce colloque, parrainé par la faculté de Nanterre, faisait la promotion d’un trouble, érigé en maladie, et de son traitement essentiellement médicamenteux.
Dans les suites de cette action, nous sommes tombés par hasard sur un site de l’Education Nationale, qui semble elle aussi privilégier l’abord médical de ce trouble, au détriment de son abord psychothérapeutique, qui permet pourtant d’écouter l’enfant dans sa subjectivité.
Un site de l’Education Nationale.
Sur le site internet de l’Académie de Paris (Région Académique Ile de France) nous avons trouvé une page destinée aux parents et aux élèves.
Sur cette page, plusieurs propositions leurs sont faites :
résultats d’affectations au collège, au lycée
s’inscrire au collège, au lycée
bourses et aides financières
élèves à besoins éducatifs particuliers
déposer un dossier d’affectation en ligne
aménagement des examens pour les candidats en situation de handicap, etc…
A côté, sous le titre « Parents contactez-nous », on trouve des liens utiles :
ma voie scientifique
mon orientation en ligne
liste des internats
Et des propositions de téléchargements :
guide « après la 3ème » 2017
guide d’entrée en 6ème 2017
Plaquette « Trouble déficit de l’attention et hyperactivité »
Cette plaquette est à l’en tête de l’Académie de Paris (Ministère de l’EN et Ministère de l’ Enseignement Supérieur) et lorsqu’on la déroule, on trouve, en bas du texte, les indications suivantes :
maquette réalisée par le Rectorat de Paris
document rédigé « dans » l’équipe du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (Assistante Publique-Hôpitaux de Paris) « par » :
Marion Laurent, psychologue, neuropsychologue
Yamina Comin, professeur des écoles spécialisé
Docteur DianePuper-Ouakil, pédopsychiatre.
Confusion.
Ce qui me frappe au premier coup d’œil sur ce site officiel de l’Education Nationale, c’est le mélange des genres.
En effet que vient faire sur cette page d’accueil la plaquette TDAH ?
Ce site a pour fonction, si je comprends bien, d’aider les familles à gérer la scolarité de leur enfant.
Pourquoi au milieu de ces informations d’ordre scolaire, introduire une proposition de téléchargement sur un trouble du comportement ?
A noter qu’il s’agit d’un item bien individualisé : cette description du TDAH n’est pas un sous-chapitre de l’item « santé/social » ou « élèves à besoins éducatifs particuliers », par exemple.
Quelle est donc la logique de l’EN et son objectif lorsqu’elle décide d’informer ainsi les parents, précisément et uniquement sur ce trouble, en leur proposant une plaquette de 8 pages rédigée avec un service de l’Assistance Publique ?
Une vision réductrice de la psychopathologie de l’enfant et la promotion d’une maladie.
Les rédacteurs de ce site souhaitent-ils expliquer aux parents qu’à l’école il y a des enfants difficiles, et que leur conduite peut-être le signe d’un mal être psychologique plus sérieux ?
Peut-être, mais alors pourquoi compter sur un site internet, pour lancer cette alerte ?
Alors qu’à l’école les mères, les pères peuvent rencontrer l’enseignant de leur enfant, et échanger avec lui ? Lui qui connaît précisément leur fils, leur fille, sa manière d’apprendre, ou de ne pas apprendre, de se comporter en classe ou avec les copains… ?
Nous en croisons quotidiennement dans notre pratique, de ces enseignants qui font un travail exemplaire auprès des parents. Ils leur parlent, les écoutent, les alertent : « ça ne va pas avec votre enfant, il est opposant, indiscipliné, il ne travaille plus, il harcèle les autres en récréation, il est agressif… je ne comprends pas ce qui lui arrive, je suis souvent obligée de le punir, ça fait plusieurs semaines que ça dure… qu’est-ce qui se passe ? … », et la mère , déjà inquiète, de s’interroger , que se passe-t-il effectivement pour son enfant , à l’école, dans la famille, est-ce de sa faute, est-ce ce deuil, ce conflit… ? elle ne sait pas , elle va y penser…
C’est ce travail patient de l’enseignant , en relation personnelle et impliquée avec les parents qui les amène parfois à venir nous consulter ; ils nous parlent alors de ce qui les inquiète chez leur enfant : problèmes d’apprentissage ou relationnels, tendance à s’isoler à l’école, ou chez eux devant les écrans, difficultés à faire des rencontres, refus du dialogue, conflits fréquents, phobie scolaire, troubles psycho-somatiques, anorexie, addictions, idées suicidaire, angoisses, insomnies, dépression, fugues… Nous savons que ces symptômes sont l’expression d’une souffrance névrotique ou psychotique, dans des configurations affectives et familiales chacune particulière.
Mais les rédacteurs du site de l’Académie de Paris ignorent manifestement la complexité de cette psychopathologie .
Et avec l’aide des « professionnels » de Robert Debré, ils dressent , pour les parents et les enseignants, le tableau du seul syndrome qui mérite qu’on s’y arrête, et qui soit à craindre, à repérer, à traiter.
Vous téléchargez la plaquette et vous avez accès à une listes de « troubles comportementaux » qui dressent le portrait de l’enfant atteint de TDAH . Cette liste de symptômes est baptisée « maladie neurologique ».
Maladie dont on va vous aider à établir le diagnostic.
C’est un vrai fourre-tout, les auteurs ratissent large et réussissent le tour de force de faire entrer sous cette étiquette, soit au titre de trouble principaux, soit à celui de troubles associés, une grande partie de la psychopathologie de l’enfant.
Cela va certainement simplifier le travail des professionnels des pédopsychiatres sur le plan diagnostic et, par voie de conséquence, thérapeutique.
Quant aux parents qui liront ces pages, s’ils sont déjà un tant soit peu inquiets, ils vont forcément trouver là de quoi se convaincre que leur enfant est atteint par cette maladie. Cette conviction les angoissera et les soulagera à la fois : c’était donc ça, un trouble neuro-développemental se disent-ils, ils s’y arrêteront peut-être à ce constat, ce diagnostic, d’ordre médical et le traitement qui s’ensuit … sans aller plus loin, sans chercher le sens de ce qui leur arrive.
[b]Une vision inquiétante de l’enfance. [/b]
Un des premiers traits attribué à l’enfant atteint de TDAH est : « il déborde d’énergie ».
Que l’énergie de l’enfant, signe de sa vie pulsionnelle éblouissante, soit présentée ici comme une marque d’anormalité, d’’emblée cela questionne.
On imagine, en creux, ce que serait l’’enfant idéal pour les « inventeurs » de cette maladie : sage et docile, immobile et consentant, passif et soumis ?
Dans l’inventaire à la Prévert des signes de la maladie, il y a là un mélange savamment mixé de signes inquiétants et de comportements banaux (comme nous y a habitué le DSM )
D’un côté :
il manque de frein dans le contrôle de ses émotions et de ses mouvements
il est impulsif et se bagarre facilement
il a des difficultés à attendre, il n’a pas de repères dans le temps
il a besoin qu’on s’occupe de lui continuellement.
il ne reste pas tranquille, il bouge exagérément … etc.
De l’autre :
il est infatigable
il coupe souvent la parole
il parle et agit avant de réfléchir
il est dans la lune
il regarde par la fenêtre (c’est dire qu’on lui « reproche » à la fois d’être agité, et d’être dans la rêverie et la contemplation du ciel)
ses devoirs sont mal faits ou pas faits
il fait beaucoup de fautes d’étourderie dans son travail
il oublie ou perd ses affaires etc…
On y trouve tout et son contraire :
il se laisse distraire mais s’il est motivé par une activité qui l’intéresse, il peut réussir à se concentrer longtemps
il manque d’organisation, d’attention mais si activité stimulante (activité sportive par exemple) alors bonnes capacités
tous les apprentissages sont difficiles mais ses résultats scolaires ne semblent pas refléter ses réelles compétences…
Et pour monter qu’il ne s’agit pas d’une déposition uniquement à charge contre l’enfant, on signale quelques traits de caractère qui constituent probablement pour les auteurs des circonstances atténuantes :
imagination débordante
enthousiasme, spontanéité
originalité
peut entreprendre plusieurs choses à la fois
voit des détails que d’autres peuvent manquer
Mais dans l’ensemble il s’agit surtout de pointer en quoi cet enfant nous gêne, nous dérange :
il épuise tout le monde
il coupe la parole, il répond avant la fin de la question
il a besoin qu’on s’occupe de lui continuellement
il présente des troubles du comportement en situation de groupe, il se bagarre facilement, il ne respecte pas les règles de base
Faire la promotion d’un certain type de traitement.
On nous dresse ainsi le portrait d’un enfant insupportable, au comportement inadapté, délinquant, épuisant, incontrôlable, diabolique, imprévisible, et d’autant plus incompréhensible et inquiétant qu’on ne lui donne pas la parole.
Car évidemment la vision comportementaliste et purement descriptive des conduites de l’enfant empêchent de s’interroger sur ses motivations, et sur le sens de ses conduites.
De toutes façons, si ses troubles sont d’origine neurologique, il n’y a pas de sens à ses conduites, elles sont l’effet d’une perturbation cérébrale.
Le diagnostic de la maladie est, peut-on lire, « réalisé grâce à des évaluations pluridisciplinaires (psychiatres, ou neurologue, psychologue) ». On ne nous parle pas d’examens complémentaires, ce qui est étonnant, compte tenu du caractère « neurologique » de cette maladie. ( Nous savons que les « inventeurs « de ce trouble s’appuient sur l’imagerie cérébrale pour étayer leur diagnostic. Ce faisant, ils ne s’interrogent pas sur la validité des images qu’ils utilisent : le cerveau de l’enfant est en construction et une image peut être interprétée de 2 manières, soit comme cause soit comme conséquence d’un processus mental qui s’inscrit dans la matière neuronale.) Nous savons aussi que, pour ces « scientifiques » l’origine de cette « maladie » pourrait être génétique ( La Génétique étant la figure actuelle du Destin). Il y aurait ainsi des familles TDAH, comme il y a des familles bipolaires.
Le problème c’est que à chaque théorisation de la maladie mentale correspond une théorisation du traitement.
Si l’on considère les enfants perturbés comme des êtres en souffrance subjective, il faut, pour les soigner, faire appel à des spécialistes de la subjectivité: psychothérapeutes, psychanalystes, psychomotriciens, éducateurs, infirmiers des CMP ou CMPP…
Ces professionnels se proposent d’écouter, un par un, les enfants et parents en détresse, dans la complexité de leur histoire, de leurs relations aux autres, au monde, au travail , à leurs désirs, à leur corps, leur affectivité, leur sexualité… car ils pensent que l’être humain est un être de relation et de langage, et que le soin psychique passe forcément par la rencontre avec un autre humain parlant et bienveillant.
Par contre si ces enfants sont atteints d’une maladie organique, ils relèvent tout simplement de la médecine du corps.
Dans l’idéal des concepteurs actuels de cette médecine « moderne », rationnelle et économe en moyens humains, c’est à peine si l’on a besoin de médecins pour ça : en allant sur internet et en tapant les mots clefs, le malade se prend en charge, vaillamment, tout seul . Il sait démêler le vrai du faux, trouver l’explication et le traitement de son cas : listing des symptômes, diagnostic, protocole thérapeutique uniformisé… Avec, en prime, l’ annuaire des spécialistes de sa maladie.
Car maintenant il y a des spécialistes pour chaque situation.
Avant d’aller consulter il faut donc forcément connaître son diagnostic.
A Robert Debré, par exemple, vous pouvez consulter si vous souffrez de :
Autisme – Trouble envahissant du développement – Syndrome d’asperger,
Anorexie mentale prépubère
Déficit de l’attention / hyperactivité
Troubles du langage et des apprentissages
Troubles anxieux, troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et syndrome de Gilles de la Tourette
Addiction
Obésité
Mais si vous souffrez d’un mal inconnu, indicible, innommable, il faut aller voir ailleurs…
L’EN prend partie dans un débat qui ne la concerne pas
La plaquette TDAH, offerte par l’Education nationale, c’est ça : une incitation pour les parents à diagnostiquer eux-mêmes le trouble de leur enfant et à aller le faire soigner à l’hôpital Robert Debré ( dans ce service de psychopathologie de l’enfant qui – sans craindre les conflit d’intérêts , fait, à la fois, la promotion d’une maladie et la publicité pour sa manière de la traiter)
Mais sur ce point du traitement justement, rien n’est dit.
Les parents ne sauront pas en lisant la plaquette quelles sont les options thérapeutiques de ce service.
Nous savons, nous, que si l’on considère ces enfants comme des malades ils relèveront d’un traitement médical, que, si l’on cherche à classifier les troubles mentaux (comme dans le DSM) c’est pour associer un traitement chimique à chaque symptôme.
Nous savons que la ritaline est de plus en plus prescrite, souvent en première intention à des enfants et adolescents, censés souffrir de TDAH. Nous savons que des services comme Robert Debré ont choisi ces traitements médicamenteux et ne croient à rien d’autre…
Les parents le savent-ils ?
Et l’EN a-t-elle le droit de faire, à leur place, le choix du traitement de leur enfant, en les orientant vers Robert Debré, alors que dans la communauté thérapeutique, on continue de débattre sur la meilleure manière de considérer et de traiter ces troubles ?
Autre remarque : les spécialistes de R. Debré ne parlent pas du traitement qui sera appliqué à l’enfant, par contre ils s’adressent aux enseignants.
Toute la fin de cette plaquette leur est dédiée, et toutes les propositions qui y sont faites sont d’ordre éducatif et pédagogique :
aménagements possibles à mettre en place en classe/démarches et style d’intervention pour apprivoiser le TDAH
comment limiter l’agitation de l’enfant, améliorer ses résultats, l’aider dans ses relations sociales etc…
contrat à mettre en place avec l’enfant/ Nom, prénom/ Je m’engage à être capable de demander à l’enseignant de sortir de classe / Je m’engage à essayer de ne pas oublier mes affaires en classe, à persévérer quand je trouve les exercices difficiles… (sic !)
On comprend mieux alors pourquoi cette plaquette est sur le site de l’EN, elle s’adresse certes aux parents mais peut-être surtout aux enseignants.
Et d’une manière qui traduit encore un mélange des genres, une confusion des places : une équipe médicale va conseiller les enseignants sur la manière de faire la classe à ces enfants particuliers, elle va interférer avec le travail pédagogique ! Et auparavant, ce sont les enseignants qui auront, non pas simplement alerté les parents, mais fait le diagnostic et envoyé les enfants dans le seul service apte à les soigner (à l’hôpital Robert Debré et non en CMP par exemple)
Chacun marche sur les plates bandes de l’autre, incapable peut-être de faire le travail qui est le sien.
L’école, en l’occurrence, ne se donne pas les moyens de soutenir elle même les enseignants dans leur tâche pédagogique auprès des enfants, ni dans leur patient effort de communication avec les familles (travail difficile et souvent angoissant pour ces enseignants)
Au lieu de les y former et de les accompagner, on les entraîne à une vision réductrice, simplificatrice, comportementaliste de l’enfant et des relations humaines : « Convoquez les parents dont l’enfant dérange la classe, et expliquez leur ce qui ne va pas pour lui, ce qu’il « a », ce qu’il « est » et ce qu’il faut faire ! » …
C’est un abus de pouvoir (comme celui de la HAS qui, en 2016, a voulu interdire aux psychanalystes de s’occuper des enfants autistes)
Les victimes de ces abus ce sont les enfants, dont la subjectivité et le vécu intime sont niés, effacés.
Puissent-ils retrouver leur voix !
DR. Danielle Lévy Pédopsychiatre. |
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