Beate
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Posté le: 06. Mar 2008, 22:33
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Citation: | Comment optimiser le diagnostic et la prise en charge du cancer médullaire de la thyroïde
Par Patricia Niccoli-Sire et Bernard Conte-Devolx (Marseille)
Mise au point présentée lors des 25es journées françaises d’endocrinologie, nutrition et métabolisme – Paris, 25-26 novembre 2005
Le cancer médullaire de la thyroïde (CMT) majoritairement sporadique, s’intègre dans près de 30 % des cas dans la néoplasie endocrinienne de type 2, affection héréditaire monogénique rattachée à des mutations germinales du gène RET. A cette particularité d’être potentiellement un cancer autosomique dominant, dont le marqueur moléculaire génétique est parfaitement identifié, s’ajoute une spécificité sécrétoire, la calcitonine (CT), utilisable comme marqueur biologique tumoral de diagnostic et de suivi. Ces deux marqueurs fiables, spécifiques, accessibles en routine, sont actuellement incontournables pour optimiser le diagnostic et la prise en charge du CMT : son diagnostic précoce, voire infraclinique, peut être fait grâce au dépistage biologique par le dosage systématique de la CT en pathologie nodulaire thyroïdienne, qui permet une chirurgie adaptée à un stade anatomo-clinique précoce, seuls garants de guérison. En parallèle, l’analyse systématique du gène RET devant tout CMT permet de faire le diagnostic d’une forme familiale, d’entreprendre le dépistage au sein de la famille et de permettre le diagnostic pré-symptomatique et la prise en charge spécifique et précoce (voire prophylactique) des apparentés génétiquement à risque. Le CMT métastatique devrait, quant à lui, pouvoir bénéficier des thérapies basées sur l’utilisation de peptides et nouveaux analogues radiomarqués, et de nouvelles molécules ciblées sur l’oncogène RET et sa voie de signalisation, notamment les inhibiteurs tyrosines kinases.
Introduction
Le cancer médullaire de la thyroïde (CMT), développé à partir du contingent des cellules C para-folliculaires thyroïdiennes, se présente sous deux formes : une forme sporadique, la majorité des cas, et une forme familiale, dans près de 30-35 % des cas. Il s’intègre alors dans la néoplasie endocrinienne multiple de type 2 (NEM 2 ), affection
héréditaire monogénique de transmission autosomique dominante, rattachée depuis 1993 à des mutations germinales du proto-oncogène RET. Le CMT possède deux caractéristiques spécifiques qui vont considérablement influencer son diagnostic et sa prise en charge :
- l’existence d’un marqueur biologique tumoral : la calcitonine (CT),
- l’existence d’un marqueur moléculaire génétique pour les formes familiales : le gène RET.
Ces deux marqueurs fiables, spécifiques, accessibles en routine, ont permis, d’une part, de faire un diagnostic précoce du CMT (voire infra-clinique) et donc d’en modifier la prise en charge et le pronostic et, d’autre part, de faire le diagnostic d’une forme familiale qui va entraîner la prise en charge spécifique et précoce (voire « prophylactique ») chez les apparentés génétiquement à risque. L’optimisation de la prise en charge du CMT repose également sur un traitement chirurgical adapté, associant à la thyroïdectomie totale un curage ganglionnaire récurrentiel, les modalités et l’extension du curage latéro-cervical étant non consensuelles. Les nouvelles techniques d’imagerie devraient permettre d’optimiser la détection de tissu résiduel et de micrométastases dans le CMT avancé, tandis que de nouveaux outils thérapeutiques, reposant sur l’utilisation de radio-métabolites et de molécules ciblées sur le gène RET, notamment les inhibiteurs tyrosine-kinase, devraient permettre, dans un futur proche, de nouvelles avancées dans la prise en charge du CMT métastatique.
1 - Optimiser le diagnostic et la prise en charge du cmt : faire un diagnostic précoce par le dosage systématique de ct en pathologie nodulaire thyroïdienne
L’une des circonstances diagnostiques du CMT est la découverte d’un nodule thyroïdien. Si la cytoponction permet d’en confirmer le diagnostic devant l’existence d’un immuno-marquage anti-CT positif, la cytoponction est mise en défaut dans plus de la moitié des cas, comme le montrent plusieurs travaux rétrospectifs : l’immunohistochimie n’est pas toujours réalisée en première intention et l’aspect cytologique est souvent responsable d’un diagnostic erroné de cancer thyroïdien anaplasique : c’est l’association à une valeur de CT élevée qui permet de redresser le diagnostic. Le classique syndrome de flush avec diarrhée motrice est exceptionnel et lié à des tumeurs évoluées, avec hypersécrétion majeure de CT. La découverte d’une masse cervicale avec adénopathies multiples reste également une circonstance diagnostique, mais de plus en plus rare. Actuellement, c’est le dosage de la CT, pratiqué à titre systématique devant une pathologie uni- ou multi-nodulaire thyroïdienne qui est le mode de révélation du CMT le plus fréquent. Cette stratégie, pronée par plusieurs équipes dans plusieurs pays , est indiscutablement le moyen d’optimiser le diagnostic mais aussi la prise en charge chirurgicale du CMT et, par conséquent, d’en améliorer le pronostic.
MARQUEUR BIOLOGIQUE TUMORAL DU CMT : LA CALCITONINE (CT)
La CT est reconnue comme marqueur biologique du CMT dès 1968 : élévation du taux de base, associée à son augmentation après injection de pentagastrine (test Pg).Si, jusqu’en 1988, les méthodes de dosage de la CT ont été principalement radio-immunologiques utilisant des anticorps polyclonaux reconnaissant la CT mature et d’autres formes circulantes, et donc de moindre spécificité, les techniques de dosages immunométriques actuelles, basées sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux (l’un spécifique de la région N-terminale et l’autre de la région C-terminale), sont spécifiques de la CT mature monomère . Cependant, du fait de différences dans les standards et dans le couple d’anticorps monoclonaux utilisés, les valeurs de CT dosées par des trousses différentes peuvent varier : ces différences doivent être connues et prises en compte pour l’interprétation adéquate des valeurs de CT dans le diagnostic et la prise en charge des CMT. A noter que, pour l’instant, seules deux trousses (Elsa-hCT et IRMA-CT, CisBio International) ont été évaluées par le Groupe des Tumeurs Endocrines (GTE), la trousse Elsa-hCT (et actuellement IRMAcCT) étant considérées comme trousses de référence dans les différents travaux cités.
Chez le sujet sain, l’évaluation de la CT trouve des valeurs de base inférieures à 10 pg/ml chez 100 % des témoins , et chez 97 % des patients atteints d’une pathologie thyroïdienne autre que le CMT . Chez l’enfant, les normes de CT évaluées par la trousse de dosage Nichols diffèrent en fonction de l’âge : inférieures à 40 pg/ml pour les nourrissons de moins de 6 mois, inférieures à 15 pg/ml entre 6 mois et 3 ans, et au delà de 3 ans, où les valeurs de CT rejoignent les valeurs adultes (inférieures à 10 pg/ml) .
En pratique, toute mesure de CT supérieure à 10 pg/ml doit être recontrôlée de principe : pour des valeurs-limite supérieures ou modérées, les conditions de prélèvement, notamment l’absence de jeûne, pouvant artéfactuellement majorer les valeurs de CT. Il convient ensuite de s’assurer des normes de la trousse utilisée, de l’absence de prise médicamenteuse potentiellement responsable d’hyperCT (inhibiteurs de la pompe à protons) et d’éliminer les causes d’hyperCT évidentes, comme l’insuffisance rénale , et la thyroïdite chronique de Hashimoto (tableau 1). Dans un second temps, une hyperCT basale confirmée doit conduire à la réalisation d’un test de stimulation par la Pg.
Si la constatation d’une hyperCT majeure associée à un nodule thyroïdien laisse peu de doute quant au diagnostic de CMT, une élévation modérée de la CT basale (<50> 10 pg/ml, trousse CisBioInternational) en dehors du cancer médullaire de la thyroïde.
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* : non validé avec les trousses de dosage de la CT monomère actuellement utilisées.
Pour des valeurs de CT > 10 pg/ml (dosage CisBio International), 41 % des patients avec pathologie nodulaire thyroïdienne étaient porteurs d’un CMT, ce qui permet dans cette situation clinique d’établir une sensibilité de 70 % et une spécificité de 97,6 % . A noter cependant que d’authentiques microCMT peuvent être méconnus en pré-opératoire du fait d’une CT inférieure à 10 pg/ml (0,17 % dans la série du GTE)
Le test de stimulation par la Pg a largement été utilisé pour le diagnostic de CMT il permet de confirmer ce diagnostic devant une CT en base pathologique, en particulier pour des valeurs basales de CT inférieures à 100 pg/ml ; il est inutile si la valeur de CT basale est très élevée, avec un diagnostic de CMT fortement probable sur des arguments cliniques ou cytologiques.
Les résultats et l’interprétation des valeurs de CT stimulée par la Pg sont résumés dans le tableau 2. Chez le sujet adulte sain, le pic de CT stimulée est inférieur à 30 pg/ml dans 96 % des cas (dans 80 % inférieur à 10 pg/ml) , et chez 100 % des sujets de moins de 20 ans . Un pic de CT compris entre 30-50 pg/ml se retrouve chez 4 % des témoins normaux adultes, en particulier de sexe masculin : il a été montré une différence significative des taux de CT en fonction du sexe : pic de CT plus important chez l’homme.
Tableau 2. – Interprétation du test à la pentagastrine (trousse de dosage de la calcitonine CisBio International)
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HCC : Hyperplasie des cellules C. - CMT : Cancer médullaire de la thyroïde
Dans le CMT, le pic de CT est, en règle, supérieur à 100 pg/ml : ainsi, dans deux séries cumulant plus de 12000 patients, une réponse de la CT à la Pg supérieure à 100 pg/ml était trouvée dans tous les cas de CMT. Cependant, d’authentiques CMT (en règle microscopiques) peuvent avoir une réponse de la CT inférieure à cette valeur et, à l’inverse, des anomalies thyroïdiennes autres que CMT (goitres multinodulaires bénins, adénomes colloïdes, cancers thyroïdiens différenciés, thyroïdites chroniques) peuvent s’accompagner d’une réponse à la Pg, en règle inférieure à 100 pg/ml témoignant d’une hyperplasie des cellules C (HCC) réactionnelle (tableau 1) .
En fait, c’est la conjonction des valeurs de CT basale et stimulée qui s’avère le plus sensible et spécifique pour faire le diagnostic d’un CMT : une CT basale 6 30 pg/ml ou une réponse de la CT sous Pg 6 200 pg/ml sont hautement prédictifs d’un CMT, avec une sensibilité de 90,5 % et une spécificité de 80,6 % .
INCIDENCE DU CMT
Le dosage systématique de la CT a permis de montrer que l’incidence du CMT en pathologie thyroïdienne courante était sous-estimée et se situait en fait aux alentours de 1-2 % , avec des extrêmes de 0,4 % à 2,84 %, en fonction de la méthodologie utilisée.
DIAGNOSTIC PRÉ-OPÉRATOIRE DU CMT
Faire le diagnostic du CMT en pré-opératoire par le dosage de CT systématique permet de réaliser d’emblée la chirurgie thyroïdienne et ganglionnaire adéquate, seul garant d’une guérison, puisqu’il a été démontré que la qualité de l’exérèse chirurgicale initiale et la normalisation de la CT post-opératoire sont des facteurs pronostiques . Le bénéfice d’un geste adéquat d’emblée se traduit également par la réduction de la morbidité chirurgicale, qui augmente significativement pour une ré-intervention.
DIAGNOSTIC PRÉCOCE DU CMT
L’intérêt majeur du dosage de CT systématique en pathologie thyroïdienne nodulaire est de dépister un CMT à un stade précoce de micro-cancer curable chirurgicalement. Il existe en effet une bonne corrélation entre le taux de CT et la masse tumorale . Ainsi, les patients porteurs de macro-CMT ont des taux élevés de CT basale, en règle supérieur à 200 pg/ml ; à l’inverse, au stade initial d’HCC qui précède le microCMT, les valeurs basales de CT peuvent être normales. Un taux de CT supérieur à 10 pg/ml est en faveur d’une HCC ou d’un CMT au stade du micro-carcinome, sans qu’il soit possible actuellement de les différencier sur la base de la valeur de CT (tableau 2).
Ainsi, le dosage systématique de la CT permet de faire le diagnostic de CMT à un stade infra-centrimétrique dans 60-70 % des cas . Dans une série de plus de 10 000 patients, sur les 44 CMT détectés, 68 % étaient diagnostiqués aux stades I et II (TNM : T1-4 N0 M0) dont 18 % au stade TNM T1 N0 M0 . En accord avec ces résultats, dans le travail de Miraillé et coll., la moitié des CMT étaient au stade TNM T1 N0 M0, et dans 75 % des cas il n’existait aucun envahissement ganglionnaire .
AMÉLIORATION DU PRONOSTIC DU CMT
La possibilité d’un diagnostic précoce du CMT à un stade le plus souvent infra-centrimétrique, sans envahissement ganglionnaire, a une incidence sur le pronostic, puisqu’il a été démontré dans plusieurs travaux que le stade anatomo-clinique du CMT est le facteur pronostique majeur de ces tumeurs. Même si, à ce jour, la répercussion sur le pronostic de ce dosage systématique ne peut être établi avec un recul supérieur à 10 ans (dosage immuno-métrique spécifique depuis 1989, premières séries sur ce dépistage biologique en 1995-97), il est difficile d’imaginer qu’un bénéfice à long terme pour ce qui est du pronostic et de la survie ne puisse être démontré. Ainsi, une normalisation de la CT en post-opératoire est obtenue dans plus de 70 % des cas et la rémission complète dans 100 % des cas opérés au stade 1, avec un recul allant jusqu’à 8 ans . Si l’on compare les taux de rémission obtenus chez les sujets dépistés à ceux des patients non dépistés par la CT systématique, le taux de rémission est de 59 % contre 2,7 % avec un recul de 3-10 ans (3). Ces résultats ont une répercussion sur le pronostic du CMT : 97,7 % contre 81,5 % de survie à 5 ans, encore plus net à 10 ans (86,8 % contre 43,7 %) .
DOSAGE SYSTÉMATIQUE DE CT : LES ÉCUEILS
Si le dosage systématique de la CT a des bénéfices indiscutables, et présente des sensibilité et spécificité diagnostiques excellentes, il existe bien sûr, comme pour tout test diagnostique, quelques écueils inhérents à la problématique du dépistage. Le premier est représenté par les « faux-positifs » du dosage : il existe d’autres circonstances physio-pathologiques où des valeurs élevées de CT peuvent être observées , comme dans les tumeurs endocrines et plus particulièrement dans le cancer pulmonaire à petites cellules et le carcinoïde bronchique lié à une sécrétion ectopique de CT par la tumeur (tableau 1). Une élévation de la CT monomère peut se rencontrer dans les thyroïdites lymphocytaires ou dans des lésions tumorales thyroïdiennes, bénignes ou malignes, autres que le CMT : elle est liée dans ce cas à l’existence d’une HCC diffuse ou focale . Une hypercalcitoninémie peut également se rencontrer dans l’insuffisance rénale sévère, notamment chez 25 % des patients dialysés. Une hyperCT a été décrite dans les hypercalcémies et les hypergastrinémies primitives ou secondaires (maladie de Biermer ou iatrogènes), mais avec une méthode de dosage RIA, utilisant des anticorps polyclonaux, justifiant de ce fait une réévaluation avec les trousses immunométriques, pour pouvoir conclure. Le deuxième écueil, souvent avancé dans la littérature, est le problème du surcoût engendré par la systématisation des dosages de CT. Le dosage actuel de la CT en France coûte 23 euros et il faut 200 dosages de CT pour détecter un CMT, soit 4 640 euros selon l’évaluation faite sur plus de 8 000 patients dépistés. Ce coût est à mettre en balance avec celui engendré par les explorations indiquées pour un CMT non guéri par la chirurgie initiale, à savoir échographie et TDM cervicale : 56 euros et 71 euros respectivement, une heure de bloc opératoire pour réintervention : 309 euros , et avec celui engendré par les dosages inutiles de certains « bilans thyroïdiens » systématiques et/ou répétés.
2- Optimiser le diagnostic et la prise en charge du cmt : faire le diagnostic d’une forme familiale par l’analyse systématique du gène ret chez tout cmt
Dans sa forme familiale, le CMT s’intègre dans la NEM 2 dont les trois variants phénotypiques associent au CMT respectivement : un phéochromocytome dans 20 à 50 % des cas et une hyperparathyroïdie primaire dans 5 à 20 % des cas, pour la NEM 2 A ; un phéochromocytome (50 % des cas), une ganglio-neuromatose digestive et sous-muqueuse et une dysmorphie de type Marfan pour la NEM 2 B ; le CMT isolé familial (ou FMTC), diagnostic d’exclusion des autres formes de NEM 2 où les autres composantes de la maladie sont absentes initialement et tout au long de l’évolution.
MARQUEUR GÉNÉTIQUE DU CMT FAMILIAL : LE GÈNE RET
Le CMT familial est le seul cancer héréditaire connu, lié à la mutation dominante d’un proto-oncogène et il représente, à ce titre, un véritable modèle de tumorigenèse. Le gène RET, (situé en 10q11.2, 21 exons), code pour un récepteur membranaire à activité tyrosine kinase dont l’activation est médiée par sa liaison dans le domaine extra-cellulaire avec le co-récepteur (GDNFR), lui-même activé par le ligand GDNF (Glial-Derived-Nerve Growth Factor), protéine impliquée dans la différenciation et la migration des cellules du neuro-ectoderme. Le complexe RET-GDNFR-GDNF entraîne la dimérisation et l’activation du domaine tyrosine kinase et des voies de transduction du signal en aval .
Les mutations de RET associées aux CMT familiaux entrainent une auto-activation constitutive du domaine tyrosine kinase et une activité transformante oncogénique, démontré in vitro sur des lignées cellulaires et in vivo dans des modèles de souris transgéniques où les lésions observées (HCC, CMT) sont superposables à celles rencontrées chez l’homme .
NEM 2 ET MUTATIONS DE RET : CORRÉLATIONS PHÉNOTYPE-GÉNOTYPE
La très bonne corrélation phénotype-génotype dans les NEM 2 en fait un modèle unique en oncogénétique, d’autant que de réelles implications pratiques, en termes de prise en charge et de traitement en découlent. Une mutation germinale de RET se retrouve, en effet, dans 99 % des NEM 2 B, 98 % des NEM 2 A, et dans 95 % des FMTC.
Le phénotype NEM 2 B est associé dans plus de 98 % des cas à une mutation de RET dans la région du gène codant pour le domaine tyrosine kinase du récepteur, dans l’exon 16 au codon 918. Plus rarement, les mutations siègent dans l’exon 15 (codon 883) et, exceptionnellement, au codon 922, ou impliquant des double mutations (codons 804/806, exon 14 et 804/904, exons 14 et 15 (figure 1).
Figure 1.
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Pour le phénotype NEM 2 A (figure 1), les mutations siègent majoritairement dans l’exon 11 au codon 634, ou dans l’exon 10 (codons 609-611-618-620) pour environ 14 % des cas. D’autres mutations dans les exons 10 et 11 ont été rattachées à un phénotype NEM 2 A dans un nombre de cas restreint, mais aussi des mutations jusqu’alors classiquement associées au phénotype FMTC siégeant la portion du gène codant pour le domaine tyrosine kinase dans les exons 13 (codons 790, 791), 14 (codon 804), 15 (codon 891) et, tout récemment, dans l’exon 8, dans une famille (P. Niccoli-Sire et al, manuscrit en préparation). Le phénotype FMTC est associé dans 36 % des cas à des mutations de RET situées dans les exons 10 (codons 609-611-618-620) et dans 74 % dans les exons 13 (codons 768, 790, 791), 14 (codons 804 et 844), et 15 (codon 891) (38, 39) (figure 1). Ces FMTC se présentent souvent comme des CMT sporadiques : pour 43 % d’entre eux, le diagnostic est fait devant un goitre multinodulaire, avec élévation de la CT en base . La pathologie des cellules C est d’apparition, en règle, plus tardive (30-50 ans), avec des stades anatomo-cliniques de la maladie peu avancés, bien que le potentiel invasif et métastatique de ces CMT existe . Le FMTC est plus rarement rattaché à des mutations dans l’exon 8 (codons 532, 533) , et exceptionnellement à des doubles mutations (exon 14 : 804/844, 804/778 ; exon 13 : 790/804 ; pour deux mutations (A883T et V804M) uniquement lorsque celles-ci sont retrouvées sous la forme homozygote.
ANALYSE DU GÈNE RET ET DIAGNOSTIC DE CMT-FAMILIAL
L’enquête familiale doit être la règle devant tout CMT : un contexte familial de CMT (et/ou de phéo et/ou d’HPT) rend le diagnostic de NEM 2 fortement probable, tout comme l’existence d’une association lésionnelle, la recherche d’une HPT et d’un phéo associé au CMT devant être systématique devant tout CMT, avant même sa prise en charge chirurgicale, quel que soit le génotype. Cependant, ni la négativité de l’enquête familiale, ni l’absence d’association lésionnelle ne permettent d’exclure une forme familiale de CMT. L’enquête familiale n’est pas toujours de réalisation aisée, peut être incomplète et l’absence de contexte familial ne permet pas d’exclure la possibilité d’être en présence d’un cas index d’une forme familiale de CMT si le patient est porteur d’une mutation de novo dont la prévalence, est estimée entre 5-16 %.
Le diagnostic de certitude est fait par la mise en évidence d’une mutation germinale sur l’analyse moléculaire du gène RET, analyse qui doit maintenant faire partie de la prise en charge de tout CMT. En pratique, l’analyse s’effectue sur une simple prise de sang, après information détaillée préalable du patient et son consentement écrit, légalement obligatoire (JO du 27 juin 2000, article R 145-15-4) .
La réalisation de l’analyse du proto-oncogène RET est actuellement proposée à titre systématique devant tout CMT, y compris ceux de présentation sporadique. Cette stratégie a permis d’augmenter la fréquence de l’identification d’une mutation dans les formes familiales de CMT en France, passée de 86 % en 1997 à 95 % en 2002 (données du Groupe d’Etude des Tumeurs Endocrines), tandis que pour d’autres équipes européennes, cette pratique systématique a permis d’identifier 100 % des mutations responsables des FMTC. Il est à noter cependant que cette stratégie n’a, à ce jour, pas permis de mettre en évidence d’autres génotypes pathogènes, malgré le séquençage de 42 patients porteurs de phénotypes de CMT héréditaires ou de formes histologiques « suspectes » (P. Niccoli- Sire et al. en préparation).
Cette analyse est réalisée sur l’ADN lymphocytaire du cas index, le plus souvent par séquençage direct des produits de PCR, sur 7 des 21 exons de RET connus pour être le siège de mutations (exons 8, 10, 11, 13, 14, 15 et 16). En cas de CMT isolé, l’absence de mutation sur les 7 exons permet de faire le diagnostic de CMT sporadique non transmissible, avec une fiabilité de 95 % (figure 2). Dans ce cas, l’analyse est restreinte au propositus, aucune exploration dans le reste de la famille n’est à prévoir. A l’inverse, la mise en évidence d’une mutation germinale de RET, après confirmation sur un second prélèvement indépendant, permet de faire le diagnostic de CMT familial et d’entreprendre le dépistage dans la famille en recherchant la mutation chez les apparentés (figure 2).
Si l’analyse du gène RET permet d’affirmer le diagnostic de forme familiale dans 95 % des cas, il reste 5 % des cas chez lesquels la négativité de l’analyse ne permet pas d’exclure formellement un FMTC dont la mutation n’est à ce jour pas connue.
Si on est en présence d’une authentique famille de CMT, ou d’un CMT multifocal, bilatéral, associé à une HCC bilatérale, (donc suspect de forme familiale), même en l’absence d’antécédents familiaux, le séquençage du gène RET sur toute la séquence codante, disponible en semi-routine, est indiqué à la recherche d’une mutation sur un autre exon du gène (figure 2). En cas de contexte familial indiscutable, si le séquençage de RET entier reste négatif, le dépistage reposera sur l’étude du polymorphisme génique par analyse de liaison (figure 2). Pour tous ces cas suspects de forme familiale sans confirmation génétique, il faudra également continuer à rechercher les autres composantes lésionnelles d’une NEM 2 chez le propositus et les apparentés à risque.
CMT FAMILIAL : ENQUÊTE GÉNÉTIQUE ET DÉPISTAGE FAMILIAL
Dès que le diagnostic de CMT est affirmé chez le propositus et que l’analyse de l’oncogène RET aura permis d’identifier une mutation germinale, le diagnostic de CMT familial est formel.
Figure 2.
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Des conséquences pratiques de ce diagnostic en découlent :
- s’assurer chez le cas index de l’absence des autres atteintes s’intégrant dans une NEM 2 ;
- débuter l’enquête familiale en dressant un arbre généalogique de la famille à partir
du cas index ;
- dépister les membres de la famille susceptibles d’être atteints (fratrie, ascendants et
descendants directs, puis branches collatérales en fonction des résultats positifs obtenus) par la recherche directe de la mutation familiale sur l’ADN génomique. Elle est réalisée en ambulatoire sur une simple prise de sang, après consentement éclairé et selon les dispositions légales (JO du 12 mai 2001, article R 145-15-5) : la recherche de la mutation familiale chez les apparentés asymptomatiques doit être effectuée « par un médecin oeuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques ». Compte tenu de l’importance du résultat (positif ou négatif) sur la prise en charge du patient, cette analyse devra être confirmée par un second prélèvement indépendant.
De cette double analyse découlent l’identification
- des apparentés indemnes qui seront écartés définitivement de la surveillance et de
la prise en charge ;
- des sujets porteurs de la mutation familiale (figure 2) qui, du fait de la forte pénétrance (voisine de 100 %) de la maladie, développeront cette dernière et devront donc bénéficier des investigations biologiques nécessaires au diagnostic des diverses atteintes :
1) dosage de la CT plasmatique avec test de stimulation par la Pg qui permettra de confirmer l’existence de la pathologie des cellules C, soit dès le premier test, soit lors de la surveillance ultérieure, et d’apprécier partiellement le stade anatomo-clinique, qui sera le plus souvent infra-clinique (hyperplasie des cellules C ou CMT microscopique),
2) recherche des autres atteintes d’une NEM 2, quel que soit le type de mutation de RET.
Dans les familles où aucune mutation n’est identifiable (exceptionnel dans les familles de NEM 2 A ou 2 B, mais chez 5-10 % des familles de FCMT), si le séquençage du gène entier ne permet pas d’identifier une mutation, la discrimination entre sujets sains et atteints nécessite une analyse de liaison qui demande de tester au moins 2 sujets atteints et 2 sujets indemnes pour qu’une probabilité apparaisse chez le membre testé de la famille. Cette analyse permet d’estimer la probabilité d’être ou non porteur du gène de prédisposition avec une fiabilité supérieure à 99 %, et de proposer une prise en charge similaire aux sujets à risque (figure 2). Dans les familles pour lesquelles la mutation de RET n’est pas identifiée et l’analyse de liaison impossible (figure 2), il faudra se contenter du dépistage biologique de la maladie par le test à la Pg chez tous les apparentés directs.
CMT FAMILIAL ET SUJETS GÉNÉTIQUEMENT À RISQUE : PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE PRÉCOCE, VOIRE PROPHYLACTIQUE
Cette prise en charge a d’ailleurs fait l’objet d’une conférence de consensus . Le bénéfice du diagnostic et de la chirurgie précoce en termes de coût/efficacité et de pronostic n’est plus à démontrer, notamment pour les NEM 2 B dont on voit une nette amélioration du pronostic et de la survie chez ces patients par rapport à des séries antérieures .
La thyroïdectomie totale est la règle : la voie d’abord est actuellement par cervicotomie, la voie vidéo-assistée étant, à ce jour, exceptionnelle, mais potentiellement développée dans l’avenir du fait de la réduction de la morbidité et de la durée d’hospitalisation rapportées.
Le problème qui se pose actuellement est de déterminer à quel moment opérer et quelle chirurgie, notamment ganglionnaire, associer à la thyroïdectomie.
Quelle que soit la mutation de RET, l’élévation de CT en base, ou l’existence d’une réponse de la CT à la Pg est le témoin d’une pathologie des cellules C patente (HCC, micro-carcinome, voire macro-CMT), et justifie d’emblée une chirurgie réglée : thyroïdectomie totale associée à un curage ganglionnaire du compartiment central du cou, étendu systématiquement, pour certaines équipes, aux compartiments latérocervicaux.
En cas de CT basale indétectable, non stimulable par la Pg, une réelle chirurgie prophylactique (thyroïde histologiquement saine) peut être proposée, le moment de la chirurgie restant à déterminer pour être réalisée le plus précocément dans l’histoire naturelle de la maladie, avec la morbidité récurrentielle et parathyroïdienne la plus réduite possible.
Afin de déterminer ce moment de la chirurgie, une stratification du risque en fonction de la mutation a été établie d’après les résultats des études fonctionnelles et du potentiel oncogénique in vitro ; ainsi, les mutations des codons 918, 922 et 883 sont classées à haut risque, devant les mutations des codons 634, 611, 618 et 620 classées à moyen risque, les mutations 609, 768, 790, 791, 804 et 891 étant considérées comme moins agressives, à faible risque .
Le phénotype et le type de mutation vont donc guider la prise en charge chirurgicale qui va différer relativement à l’âge de la thyroïdectomie et à l’extension du geste ganglionnaire :
Pour les NEM 2 B, un large consensus s’est établi sur la nécessité de la thyroïdectomie dans la première année de vie, voire avant l’âge de 6 mois, compte tenu du caractère particulièrement agressif du CMT dans ce phénotype et associée à un curage ganglionnaire central récurrentiel systématique, étendu en règle aux chaines ganglionnaires latéro-cervicales.
Pour les NEM 2 A/FMTC, un début de consensus existe pour les mutations dans les exons 10 et 11 : la thyroïdectomie à visée prophylactique proposée entre l’âge de 4 et 6 ans, pour les équipes anglo-saxonne,s est préconisée plutôt vers l’âge de 2-3 ans d’après l’expérience du GTE, compte tenu de la présence de CMT microscopiques dès cet âge et du risque de dissémination ganglionnaire, qui apparaît en règle après un délai moyen de 6,6 ans d’après l’histoire naturelle de la maladie pour les mutations de RET au codon 634 .
Le moment de la thyroïdectomie peut être déterminé d’après les résultats du dosage de la CT et du test Pg, mais lorsque la CT basale est anormale (>10 pg/ml), il existe toujours un CMT et au minimum une HCC. La chirurgie qui doit être réalisée par une équipe chirurgicale habituée à ce type d’intervention garant d’une faible morbidité.
Pour les NEM 2A/FMTC avec mutation de RET dans les exons 13, 14 et 15, peu de données sont disponibles dans la littérature et le recul est court.
La même stratégie de prise en charge est proposée hormis l’âge de la thyroïdectomie qui pourrait être différée compte tenu de l’apparition, en règle plus tardive, de la pathologie des cellules C : thyroïdectomie entre 6-10 ans, à l’adolescence, voire à l’âge adulte, indication posée sur la base de la génétique seule ou sur l’existence d’une réponse de la CT à la Pg, ce qui sous-tend la répétition du test sur une longue période.
3 - Optimiser la prise en charge du cmt : quel geste ganglionnaire associer à la thyroïdectomie ?
Il n’existe toujours pas de consensus concernant l’extension du curage ganglionnaire à associer à la thyroïdectomie totale qui, elle, est indiscutable.
La lymphophilie du CMT est bien connue (54-75 % des patients tous stades confondus), et apparaît pour des stades anatomo-cliniques relativement précoces (ce qui souligne encore la nécessité d’une chirurgie précoce) : les métastases ganglionnaires apparaissent déjà associées à des CMT de 5 mm et pour des taux de CT compris entre 10-40 pg/ml.
La nécessité d’associer un curage ganglionnaire se dégage d’après les taux de rémissions post-opératoires : la guérison biologique (CT normale) est quasi-constante pour tous les patients sans métastases ganglionnaires, alors que seuls 33-50 % des patients sont biologiquement guéris lorsqu’il existait un envahissement ganglionnaire .
Cependant, si la justification du curage ganglionnaire central est admise, aucun consensus n’apparaît sur la nécessité et l’extension du curage ganglionnaire latérocervical à y associer ou non, comme le montrent les attitudes différentes recommandées par les Sociétés de Chirurgie européenne.
Dans le but de guider le chirurgien dans le choix du curage à réaliser, plusieurs paramètres ont été analysés : ni l’âge ni le sexe, ni la valeur de CT basale, ni la taille du CMT n’apparaissent prédictifs d’un envahissement ganglionnaire pour certains .
Pour d’autres, un taux élevé de CT pré-opératoire est prédictif d’une non guérison chirurgicale (notamment pour des valeurs > 500 pg/ml), du fait d’un envahissement ganglionnaire associé et de l’existence de micro-métastases à distance, occultes, qu’elle peut donc prédire. Par contre, l’invasion tumorale, la présence d’embols vasculaires, l’existence de foyers de thyroïdite péri-tumoraux sont significativement associées à la présence d’un envahissement ganglionnaire.
Pour les CMT infra-centrimétriques, le curage ganglionnaire central n’est pas systématique, l’envahissement ganglionnaire étant exceptionnel pour les micro-CMT, mais du fait de la surmorbidité induite par une réintervention cervicale, il peut être associé systématiquement lors du geste chirurgical initial. Par contre, la réintervention pour curage ganglionnaire après chirurgie initiale d’un CMT microscopique devrait être réservée aux CMT familiaux, pour les formes bilatérales, ou devant l’absence d’une guérison biologique.
Pour les CMT macroscopiques, le curage ganglionnaire extensif (central et latérocervical bilatéral) permettrait de réduire le risque de rechute ganglionnaire : il est préconisé pour les CMT familiaux, pour les CMT avec métastases ganglionnaires dans le compartiment central, ou à titre systématique, du fait de possibles métastases ganglionnaires contro-latérales au CMT . Un curage limité au compartiment latérocervical ipsilatéral à la tumeur peut être proposé pour un CMT unilatéral, sans métastases ganglionnaires récurrentielles et/ou homolatérales .
La thyroïdectomie totale associée à un curage ganglionnaire au minimum du compartiment central récurrentiel apparaît donc comme le traitement optimum préconisé, le curage latéro-cervical restant plus discuté.
4 - Optimiser la prise en charge et le traitement du cmt métastatique : le futur
L’IMAGERIE
Le bilan d’extension à réaliser devant un CMT non guéri par une chirurgie initiale adéquate et complète fait appel aux techniques d’imagerie conventionelle habituelles, auxquelles s’ajoutent les techniques invasives comme la laparoscopie. L’IRM du squelette serait supérieure à la scintigraphie au 99mTc et à l’octréoscan (sensibilité : 100 % ; spécificité : 87,5 %) pour le diagnostic des métastases osseuses dont la fréquence serait sous-estimée .
Le PET scan au 18FDG apparaît apporter peu d’informations supplémentaires sur les localisations métastatiques par rapport au TDM , et même serait légèrement inférieur .
Si l’octréoscan n’a pas fait la preuve d’une sensibilité suffisante pour le diagnostic du CMT (50-60 %), l’utilisation, dans l’avenir, de traceurs plus spécifiques du tissu endocrine (99mTc-EDDA/HYNIC-TOC, de ligands dirigés contre le récepteur Cholecystokinin-B/Gastrine) pourrait permettre une évaluation plus performante, comme le laissent présager les résultats préliminaires qui trouvent un nombre de sites tumoraux plus importants et non détectés par l’imagerie conventionnelle .
LES TRAITEMENTS
A la chimiothérapie, qui n’a à ce jour pas fait la preuve de son efficacité, s’ajoutent de nouvelles perspectives thérapeutiques, dont la plus prometteuse est l’utilisation des inhibiteurs tyrosine kinase. La radio-immunothérapie anti-ACE dans un essai de phase II a permis d’obtenir une réponse tumorale avec réduction modérée du volume tumoral 5/17 fois et une diminution des valeurs de CT 4/17 fois , la toxicité hématologique étant le facteur limitant. Avec l’utilisation de nouveaux analogues marqués de la somatostatine (90Y DOTATOC) une stabilisation tumorale est trouvée dans 57 % des cas mais plus d’un tiers des patients sont non répondeurs . Des rémissions partielles ou des stabilisations tumorales sont observées avec l’utilisation de peptides radio-marqués dirigés contre le récepteur Cholecystokinin-B/Gastrine mais sur des petites séries. Plusieurs thérapeutiques ciblées sur l’oncogène RET sont en cours d’évaluation chez l’animal (xénogreffes de CMT chez la souris) ou sur des lignées cellulaires (lignée de cancer médullaire TT, fibroblastes 3T3NIH). L’efficacité potentielle de ces agents est déterminée, d’une part, sur l’inhibition de la phosphorylation du récepteur RET et de la cascade de signalisation en aval, d’autre part sur la capacité anti-oncogénique respectivement in vitro sur des cellules transfectées et in vivo par l’évaluation de la masse tumorale après xénogreffe de CMT ou de cellules exprimant le RET muté.
Ainsi, des techniques de transfert génique avec l’expression d’un mutant dominant négatif de RET, ou d’un ribozyme sélectif de RET entraînent une réduction de l’expression de RET à la surface cellulaire et une réduction, voire une suppression, de la croissance tumorale in vitro et in vivo chez la souris greffée .
La vaccination par l’injection de cellules dendritiques sensibilisées contre un lysat tumoral autologue de CMT a été évaluée chez 10 patients porteurs de CMT métastatiques : une réponse immunitaire par la mesure de l’IFN est retrouvée en association avec une réduction (transitoire) des marqueurs biologiques tumoraux (CT et ACE), une réduction radiologique de la masse tumorale chez 4/10 patients et une stabilisation dans 2 cas . Un effet anti-tumoral est trouvé avec l’anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’ACE (Labetuzumab) dans un modèle de souris greffée , l’efficacité de l’anticorps monoclonal anti-RET restant à démontrer . Par contre, le traitement par rétinoïdes sur la lignée TT est sans effet .
Plus en aval sur la voie de signalisation médié par la phosphorylation de RET, la surexpression de la tyrosine phosphatase SHP1 réduit l’activation des voies Ras-Erk, JNK et la croissance clonogénique des lignées transformées par RET muté , ce qui ouvre de nombreuses perspectives par un effet direct sur les protéines adaptatrices et les nombreux partenaires de la voie de signalisation de RET.
Enfin, les inhibiteurs tyrosine kinase représentent incontestablement l’option la plus prometteuse pour les CMT métastatiques, et les essais thérapeutiques sont en cours de mise en place dans plusieurs Centres français. Plusieurs molécules ont été évaluées : la première (STI571, Gleevec) n’a pas permis d’obtenir des résultats probants et a été écartée ; l’anilino-quinazoline (ZD 6474) possède une activité inhibitrice propre sur le VEGF, bloque la migration et la prolifération cellulaire médiées par le VEGF, la phosphorylation de RET et inhibe la croissance tumorale chez la souris greffée avec des lignées cellulaires transformées RET/PTC . Les pyrazolo-pyrimidine (PP1 et PP2) inhibent la phosphorylation de RET, l’activation des voies de signalisation en aval et son potentiel transformant in vitro sur des lignées de fibroblastes et de cancer thyroïdien . Un effet plus spécifique de PP1 est noté, puisqu’il induit la dégradation, via le protéasome, des proteines RET/NEM 2 A et 2 B : thérapeutique prometteuse bien que la mutation V804 dans l’exon 14 de RET confère une résistance spécifique à cet agent.
Les indolo-carbazoles (CEP-701 et CEP751, CEP-2563) , le 2-indolinone (RPI-1) inhibent in vitro la phosphorylation de RET, l’activation des partenaires de signalisation en aval, réduisent la prolifération des cellules TT en culture et entraînent une réduction de la masse tumorale chez les souris porteuses de xénogreffes tumorales : ces composés (comme le ZD6474) ont en plus l’avantage d’être peu toxiques et administrables par voie orale.
Conclusion
Au total, la prise en charge du CMT a considérablement évolué depuis quelques années grâce, d’une part, au dosage systématique de la CT en pathologie nodulaire thyroïdienne, qui permet de faire le diagnostic pré-opératoire et précoce du CMT, conduisant à une augmentation du taux de normalisation de la CT post-opératoire et à une amélioration pronostique ; d’autre part, l’analyse moléculaire systématique du gène RET devant tout CMT permet de faire le diagnostic d’une forme familiale, ce qui conduira au dépistage et à la prise en charge spécifique précoce, voire prophylactique, des apparentés génétiquement à risque, et ce, en fonction de la mutation de RET. La nécessité d’une chirurgie adaptée (thyroïdectomie totale et curage ganglionnaire récurrentiel) est admise, les modalités et l’extension du curage latéro-cervical sont non consensuels. L’imagerie par les analogues de la DOPA, et les nouvelles thérapeutiques, notamment les inhibiteurs tyrosine kinase devraient permettre, dans un futur proche, de nouvelles avancées pour optimiser encore le diagnostic et la prise en charge du CMT.
Faculté de Médecine de Marseille,
Université de la Méditerranée,
Assistance Publique Hôpitaux de Marseille
Hôpital de la Timone,
Service d'Endocrinologie,
13385 Marseille cédex 05
Adresse pour la correspondance : Professeur Patricia Niccoli-Sire, Service d'Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques, CHU Timone, 254, rue St Pierre, F. 13385 Marseille cedex 05, France
Endocrino.net, date de publication : 02-01-2006 |
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