mon gilet à moi

[bobette]

J'entends.
Mais il faut aussi m'entendre.

J'amalgame ? je suis incohérente ? sans doute.
Ce sont les méandres de ma pensée.
Comme les autres ont leurs propres méandres, individuels, personnels.
Ce n'est sans doute même pas de la pensée, mais simplement du ressenti.

La politique, je n'y connais et n'y comprends rien, ça fait longtemps que j'ai abandonné l'idée même de comprendre, après m'être torturée l'esprit.

La souffrance des petites gens, l'angoisse du quotidien, je ne la connais que trop, je ne la comprends que trop, je la vis.
Parmi mes amis, certains sont gilets jaunes à fond, d'autres pas, chacun pour les raisons qui lui appartiennent, chacun de façon réfléchie.
J'ai peu d'amis irréfléchis.
Certains sont policiers, certains sont quelque peu anti-flics.

J'ai porté, par moments, de façon relative certes, un fardeau de français pas tout à fait français, avec mon accent et mes lacunes.
Car "de mon temps", au fond de mon Alsace-Lorraine profonde, nous apprenions le français à l'école, à la maison nous avions notre dialecte, bien de chez nous, certes...bien avant l'arrivée du français-langue-commune. Et j'ignorais un tas de mots français du quotidien, ceux qu'on n'apprend pas forcément à l'école, et j'en ignore toujours, et j'ai subi moqueries et gêne... c'était il y a longtemps, mais si l'on en croit certains incidents récents au parlement, ce n'était finalement pas il y a si longtemps que ça.
Cela a remué quelques mauvais souvenirs.
Mes hésitations en rédigeant mes premiers CV, français langue maternelle ou pas ? faut-il à chaque fois tout dire de sa petite vie ? j'avais même oublié que je faisais un faux en écrivant "français langue maternelle".

J'ai pourtant grandi dans l'idée que les français étaient tous égaux. Viscéralement, c'est ce qu'on m'inculquait dans mon milieu gaulliste.

Je (je personnalise, c'est un "je" qui recouvre beaucoup parmi mes pairs) me suis sentie plus d'une fois méprisée pendant mes années d'activité professionnelle, petite-gens, petite-main devant ceux qui avaient oublié 1789.
Parfois devant de "Grands serviteurs de l'Etat" médaillés, moi je n'étais personne, même si je trimais pour leur gloire, et rien pour moi à part quelques miettes pour bon chien-chien.
J'en ai toujours des souvenirs détaillés et cuisants, j'ai toujours encore cette révolte en moi, elle gronde toujours.
Mais je le reconnais, j'ai été aussi respectée par d'autres, devant lesquels pourtant je me serais volontiers inclinée, ils étaient vraiment Grands, pas seulement en titre.

Parmi mes souvenirs, lorsque j'ai osé émettre un doute (oh, petit, sur la véracité de certains rapports) lors de la première guerre du Golfe (ce n'étaient qu'un doute, un questionnement, rien de plus), on ma taxée d'anti-française, que je devrais être sanctionnée... l'interrogation et le doute étaient interdits.

Il y a ce poids insoutenable, de devoir constamment se justifier d'être, d'exister, d'être égaux en droits (et en devoirs, je ne l'oublie pas)...et je n'en veux pas pour nos enfants (bon nous, les nous de mon âge, on est pas loin du départ, peu importe après tout ce qui nous arrive).

Nos enfants, je ne veux pas qu'ils rasent les murs toute leur vie lorsqu'ils ne seront pas dans l'air du temps, lorsqu'ils sont différents, peu importe la nature de leur différence, qu'elle soit visible ou non, qu'elle soit physique, morale, ou ce que l'on voudra.
Je veux de la dignité pour eux.
Pas qu'on les blesse tout le temps en leur rappelant qu'ils sont différents.
Pas qu'on leur impose des obligations à cause de leurs différences, quelles qu'elles soient.

Tout comme mes handicaps (là aussi je personnalise en JE ce que d'autres rapportent) et les aménagements de poste ont provoqué l'indignation de collègues en raison de mes "privilèges"...voire des tolérances "inadmissibles" pour mes comportements "atypiques". Le différent qui emm... les autres.
Je pense aussi aux autistes, aux hyper-actifs et autres atypiques.

Obligés de justifier, sans d'ailleurs convaincre, tout le temps, se justifier encore et encore lorsqu'on n'est pas "typique".

Nous autres ici le vivons constamment devant nos médecins, d'ailleurs.

Oui, j'amalgame.

Et tout cela ne justifie rien, j'en suis d'accord.

Certainement pas qu'on tue ou empêche les autres de vivre comme ils l'entendent ou qu'on dérange peut-être et surtout ceux qui sont la majorité, en place depuis longtemps, oui je veux bien leur reconnaître un privilège.
Ni qu'on commette un acte malveillant, ni aucun regard de travers, envers les majorités comme envers les minorités...
Ni envers ceux qui suivent l'air du temps, ni envers ceux qui le refusent.
Ni envers les gilets jaunes, ni envers ceux qui refusent de klaxonner avec eux aux carrefours.
Tout comme envers les protestants venus déranger un milieu de catholiques à l'histoire plus que millénaire : je ne peux oublier l'histoire, en effet.

Respirer un air de LIBERTE, de l'espace et des poumons libres pour chacun, d'être et de penser ce que l'on veut, de changer d'avis et d'opinion, d'être différent, d'être minoritaire, d'être soi-même, c'est ce en quoi je veux croire.

Mais ce n'est pas du tout ce que je ressens en ce moment.
Et ça me fait peur pour nos petits, leur avenir.
Car je vois bien que je dois raser les murs.
Et je dois éviter les carrefours si je ne veux pas être gilet jaune, ou cacher mon gilet jaune si je veux être tranquille dans certains milieux.

C'est MON grand ras-le-bol de la société actuelle, je vais porter mon gilet à moi, je ne sais pas trop de quelle couleur.

NB :
Lorsque je parle, je ne suis à vrai dire le porte-parole de personne, ni d'un groupe, ni de VST en particulier, même si je tente d'apporter mon aide aux activités de VST, car je crois en leur bien-fondé, en tout cas pour l'essentiel.
Sur le forum, j'ai plus d'une fois fait part de mes nuances voire divergences d'opinion avec les membres du CA.
J'ai ma propre pensée, je revendique ma liberté d'expression.