Beate
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Posté le: 10. Déc 2020, 22:37
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Un article de la newsletter de la SFE, décembre 2020, qui vient de paraitre :
http://www.sfendocrino.org/_newslet.....ter_thyroide_14.html#act2
Citation: | Carcinome thyroïdien différencié : effets du traitement à l’iode radioactif sur la fonction ovarienne et la fertilité féminine. Peut-on être définitivement rassuré ?
Gérard Chabrier
Centre d’endocrinologie, Strasbourg ; Service médecine interne, endocrinologie et nutrition, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg.
Les effets potentiellement délétères à long terme du traitement par l’iode radioactif (IRA) sur la fertilité suscitent souvent l’inquiétude chez les jeunes femmes prises en charge pour un cancer différencié de la thyroïde (CDT) en âge de procréer.
Publiées en 2008 puis en 2011, 2 revues systématiques sur ce sujet [1, 2], souvent citées, avaient abouti à des conclusions plutôt rassurantes. Les effets sur la fertilité avaient été évalués chez des jeunes femmes ayant un CDT traitées par IRA. Ces études avaient conclu à l’absence d’éléments probants en faveur de la persistance, au-delà de 12 mois, d’effets indésirables de l’administration d’IRA sur la fonction gonadique, la fertilité ou le déroulement des grossesses ainsi que sur la morbimortalité néonatale et les malformations congénitales. Seule la survenue d’une ménopause à un âge légèrement plus précoce avait été identifiée chez les femmes traitées. Mais ces 2 revues s’appuyaient sur des études rétrospectives, et la majorité d’entre elles n’intéressait qu’un petit nombre de patientes.
Au cours de la dernière décennie, des travaux sur le même sujet se sont concentrés tout particulièrement sur les effets de l’administration de doses ablatives d’IRA sur la fonction ovarienne. Ces recherches ont pu être réalisées à l’aide de marqueurs tels que l’hormone antimüllérienne (AMH), dont on sait que les taux sériques sont fortement corrélés au nombre de follicules antraux, représentant ainsi un bon reflet de la réserve ovarienne et un bon paramètre d’évaluation de l’état de fertilité.
Ces nouvelles données ont permis à une équipe néerlandaise [3] de revisiter l’ensemble des études effectuées de 1970 à janvier 2020, sous la forme d’une revue systématique de la littérature et d’une méta-analyse. Piek et al. ont ainsi analysé l’effet du traitement par IRA sur la fonction ovarienne, la fertilité et le devenir des grossesses chez des jeunes femmes adultes en âge de procréer, atteintes d’un CDT et ayant eu une thyroïdectomie totale suivie d’une thérapie par IRA. Les populations comparatives étaient soit des femmes atteintes de CDT n’ayant bénéficié que d’une thyroïdectomie totale, soit des femmes en bonne santé. Les résultats des différentes études comportaient en tout ou partie l’évaluation de la fonction et/ou de la réserve ovarienne via différents marqueurs dont les taux d’AMH en particulier, mais aussi de la fertilité, des troubles du cycle menstruel, de la ménopause et de l’issue de la grossesse. Au total, 689 références ont ainsi été identifiées, mais seulement 22 études ont été retenues pour la revue détaillée, concernant 36 215 patientes. La majorité des études reposait sur des populations monocentriques et était réalisée rétrospectivement. Une méta-analyse a été réalisée pour déterminer les différences dans les taux de grossesse.
Quelles sont les principales observations à retenir ?
Sur 4 études observationnelles dont une prospective ne s’intéressant qu’aux données cliniques, au cours de la 1re année suivant le traitement par IRA (doses cumulées d’I131 allant de 2 997 MBq à 59 GBq (81 à 1 595 mCi)), les altérations du cycle menstruel étaient constatées chez 12 % à 31 % des patientes traitées, de façon significativement plus fréquente que dans les groupes témoins (31,1 % versus 14,5 %, p = 0,02) [4]. Des périodes d’aménorrhées étaient décrites chez 8 % à 16 % des patientes entre 4 et 10 mois après l’administration d’IRA. Dans une seule étude, la ménopause apparaissait à un âge légèrement plus précoce chez les femmes traitées par IRA que chez celles n’ayant pas reçu ce traitement (49,5 ans versus 51 ans respectivement, p < 0,001) [5].
Sept études ont examiné l’effet du traitement par IRA sur la réserve ovarienne, via les taux d’AMH. Dans 4 d’entre elles, pour des doses d’I131 allant de 1 110 à 5 550 MBq (30 à 150 mCi), les taux d’AMH étaient significativement plus bas, dès le 3e mois et jusqu’à 1 an après le traitement par IRA, par rapport aux taux de base (différence moyenne 1,50 ng/mL) (figure 1a). Les taux d’AMH groupés des patientes des 7 études traitées par IRA étaient de 1,79 ng/mL, significativement plus bas que les taux de base (figure 1b).
Figure 1. (a) Taux moyens d’AMH avant et 1 an après traitement par IRA chez les patientes atteintes de CDT. (b) Taux moyens d’AMH après traitement par IRA chez les patientes atteintes de CDT.
Dans 1 étude prospective récente [6] évaluant les taux d’AMH après administration d’IRA, les taux d’AMH diminuaient de 50 % par rapport aux taux de base, et ce jusqu’à 12 mois après une seule dose d’I131 pour se stabiliser par la suite. La diminution des taux d’AMH était moins marquée chez les patientes de moins de 35 ans que chez celles de plus de 35 ans.
Deux études indiquaient que de fortes doses d’IRA altéreraient davantage la réserve ovarienne évaluée par les taux d’AMH. En revanche, des doses plus faibles jusqu’à 1 110 MBq (30 mCi), comme celles proposées pour l’ablation des reliquats thyroïdiens, semblaient inoffensives.
A contrario, 3 études ne trouvaient pas de relation statistiquement significative entre l’exposition à l’IRA et les niveaux d’AMH, le principal facteur de diminution des taux d’AMH étant l’âge des patientes traitées et non le type de traitement. En outre, il n’était pas identifié de corrélation entre les niveaux d’AMH et la fertilité et/ou la survenue de grossesse.
Quant à la méta-analyse, elle a montré que les patientes traitées par IRA n’avaient pas moins de chances que les femmes du groupe témoin de tomber enceinte et de mener une grossesse à terme (OR = 0,98 [IC95 : 0,72-1,33] ; p = 0,909). Ces résultats suggèrent que le traitement par IRA n’était pas associé à une infertilité à long terme (figure 2).
Il s’agit, somme toute, de données rassurantes, mais néanmoins encore porteuses de quelques incertitudes quant à l’impact de l’administration d’IRA sur la réserve ovarienne.
La revue de Piek et al. [3] n’a pas pu prendre en compte la publication récente d’un autre travail hollandais [7] s’intéressant plus spécifiquement au devenir à long terme de la fertilité chez les femmes survivantes d’un CDT infantile (diagnostic à ≤ 18 ans entre 1970 et 2013) et traitées par IRA (dose cumulative médiane d’I131 administrée de 7,4 GBq). Étaient évalués d’une part diverses caractéristiques reproductives (âge de la ménarche et ménopause, obtentions et issues de grossesses, besoin d’assistance à la procréation) au moyen de questionnaires et examens de dossiers médicaux, et d’autre part, les taux d’AMH (comparés à ceux de 420 femmes non traitées pour un cancer, l’âge à l’évaluation de l’AMH ne différant pas entre survivantes du CDT et groupe témoin). 55 femmes ayant survécu à un CDT infantile, d’âge médian 31,0 ans, ont ainsi été évaluées après un suivi moyen de 15,4 ans.
Parmi les 55 femmes, âgées de 18 ans ou plus lors de l’évaluation, 25 ont déclaré 64 grossesses, dont 45 ont abouti à la naissance d’un enfant vivant. Sur ces 55 patientes, 10,9 % ont eu recours à une aide à la procréation. Aucune patiente n’a signalé de ménopause précoce. Les niveaux médians d’AMH ne différaient pas entre les femmes ayant survécu à un CDT infantile et le groupe témoin (2,0 μg/L contre 1,6 μg/L, p = 0,244). La dose cumulative d’I131 n’était pas associée aux niveaux d’AMH chez les survivantes de CDT.
Ainsi, les patientes traitées par IRA pendant l’enfance ne semblent pas présenter d’anomalies majeures dans les caractéristiques reproductives, ni dans les marqueurs prédictifs de l’insuffisance ovarienne.
En conclusion, il ne semble pas y avoir d’argument probant signifiant que les femmes en âge de procréer aient une fertilité diminuée à long terme après avoir été traitées par de l’131 pour un CDT, quelle que soit la période à laquelle s’est déroulé le traitement. En revanche, il semble y avoir une influence négative sur le cycle menstruel pendant la première année qui suit le traitement et des concentrations sériques d’AMH fréquemment réduites au cours de cette même période, affectant potentiellement la réserve ovarienne et donc la fertilité à court terme. Une prise en charge plus spécifique pourrait être discutée chez les femmes de plus de 35 ans exprimant un désir de grossesse à court terme et chez lesquelles un traitement par IRA est programmé.
Références bibliographiques
Sawka AM et al. A systematic review examining the effects of therapeutic radioactive iodine on ovarian function and future pregnancy in female thyroid cancer survivors. Clin Endocrinol (Oxf) 2008;69(3):479-90.
Sioka C, Fotopoulos A. Effects of I-131 therapy on gonads and pregnancy outcome in patients with thyroid cancer. Fertil Steril 2011;95(5):1552-9.
Piek MW et al. The effect of radioactive iodine therapy on ovarian function and fertility in female thyroid cancer patients: a systematic review and meta-analysis. Thyroid 2020. doi: 10.1089/thy.2020.0356. Online ahead of print.
Sioka C et al. Menstrual cycle disorders after therapy with iodine-131. Fertil Steril 2006;86(3):625-8.
Ceccarelli C et al. 131I therapy for differentiated thyroid cancer leads to an earlier onset of menopause: results of a retrospective study. J Clin Endocrinol Metab 2001;86(8):3512-5.
Van Velsen EFS et al. Longitudinal analysis of the effect of radioiodine therapy on ovarian reserve in females with differentiated thyroid cancer. Thyroid 2020;30(4):580-7.
Nies M et al. Long‐term effects of radioiodine treatment on female fertility in survivors of childhood differentiated thyroid carcinoma. Thyroid 2020;30(8):1169-76.
G. Chabrier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. |
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Figure 2. Différences de taux de grossesse entre patientes traitées par IRA et patientes contrôles. |
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