Equipe VST
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Message: (p561401)
Posté le: 02. Avr 2024, 15:04
Merci. Ce message m'a été utile ! dit : Skinner
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Le chercheur toulousain Jean-Christophe Garrigues (dont on a beaucoup parlé au début de la crise du Levothyrox, en 2018, quand il a commencé ses travaux) vient enfin de publier les résultats de ses analyses, par spectométrie etc., et détaille les différences entre l'ancienne et la nouvelle formule :
https://doi.org/10.1016/j.jpha.2024.100970
Citation: | Journal of Pharmaceutical Analysis
Journal of the Xi'an Jiaotong University
Available online 28 March 2024, 100970
Pre-Proof
Advancing drug safety and mitigating health concerns: High-resolution mass spectrometry in the levothyroxine case study
Authors: Hana Chmelařová a, Maria Carmen Catapano a, Jean-Christophe Garrigues, František Švec a, Lucie Nováková a
a Department of Analytical Chemistry, Faculty of Pharmacy in Hradec Králové, Charles University, Akademika Heyrovského 1203, 500 05, Hradec Králové, Czech Republic
b Laboratoire SOFTMAT (IMRCP), Université de Toulouse, CNRS UMR 5623, Université Paul Sabatier, 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse Cedex 9, France |
C'est en anglais. Pour résumer en quelques phrases :
Ils n'ont rien trouvé d'illicite et encore moins de toxique ; ils confirment la stabilité de la T4 et ils émettent l'hypothèse d'une altération de la biodisponibilité qui serait due aux phospholipides venant de la dégradation des excipients pour finalement mettre en cause avant tout un problème de bioéquivalence (comme nous le disons depuis le tout début, voir notre tribune dans le Monde).
Cette thèse avait été également reprise par le professeur Lechat - https://doi.org/10.1007/s13318-022-00785-6 - qui était à l'origine de la demande de l'ANSM à Merck de reformuler le Levothyrox pour le rendre plus stable.
Quelques passages particulièrement importants en rouge :
Citation: | 1. A total of 45 batches of levothyroxine commercial samples were analyzed, including 6 different formulations from 5 various manufacturers: Biogaran, Genevrier, Merck (M), Sanofi, and Uni-Pharma.
2. For one of the manufacturers (M), two different formulations were analyzed. According to their dominant excipient, they are designated as M1L and M1M for lactose and mannitol, respectively.
3. In M1 and M3 samples, abundant peaks were observed. These ions were identified as phospholipids that were not declared in the formulation.
4. The requirement for the impurity profiles in drug products is covered by ICH guideline Q3B (R2). However, impurities arising from excipients present in drug products are not covered by this guideline, and therefore, their presence is not regulated
5. We found that mannitol is probably able to react with stearate to form mannitol stearate ester. In addition, mannitol palmitate ester was tentatively identified. The source of palmitate is also the excipient magnesium stearate, which, according to the pharmacopoeia, is a mixture of stearate and palmitate.
6. Several ions identified as phospholipids were found in the samples from manufacturers M1 and M3. These ions were identified as lysophosphatidylcholines (LPC) and lysophosphatidylethanolamines (LPE). These phospholipids are naturally present in corn endosperm. Therefore, they are most likely originating from corn starch, which is used as an excipient in the evaluated formulations. Phospholipids are natural compounds and do not pose any health risk to the drug user. However, their presence can affect the bioavailability of the active pharmaceutical ingredient (API) due to their amphiphilic properties and ability to form micelles. Thus, they can enhance the dissolution and permeation profile of drugs
7. To the best of our knowledge, the presence of polar lipids in levothyroxine formulation or any other starch-based pharmaceutical formulation has never been neither evaluated nor reported. They could not be detected by the official pharmacopeial method LC-UV due to the lack of a chromophore. Also, the requirement for starch in the European pharmacopeia does not include purity control in terms of the presence of lipids
8. Additionally, no significant increase in levothyroxine degradation products was observed for the M1M samples. Therefore, API in those samples was stable even long after the expiration date.
9. Why the change in the composition of levothyroxine formulations caused the important ADRs in recent cases?" was the leading question preceding this study. Since the reformulation of levothyroxine products was carried out to increase the stability of levothyroxine, this aspect was very well handled by the manufacturers [22]. Thus, the important ADRs (Adverse Drug Reaction) could be explained by the different bioavailability of the API after reformulation. The bioavailability could be affected by several different reasons: i) The changed composition of the excipients and its possible effect on the dissolution profile and intestinal absorption. ii) The presence of citric acid as an acidic pH modifier, which is generally considered to be an inappropriate excipient for levothyroxine because the acidic microenvironment can cause salt disproportionation to the free acid form. The free acid form has significantly lower solubility and the bioavailability may be affected iii) The presence of unexpected compounds with an amphiphilic character that may affect intestinal absorption, especially the lysophospholipids and reaction products of excipients such as mannitol stearate and mannitol palmitate.
10. In summary, the use of the non-targeted approach helped to reveal the reaction processes taking place in the tablets and also the presence of unexpected compounds. Such findings may be helpful in assessing the bioequivalence of different formulations of levothyroxine, improving the control mechanisms in general, and thus improving the safety of future products. |
Rapide traduction (loin d'être parfaite !) de la fin :
Citation: | Plusieurs causes peuvent agir sur la biodisponibilité :
- la composition modifiée des excipients et son possible effet sur le profil de dissolution et l'absorption au niveau intestinal
- la présence d'acide citrique comme modificateur du PH, qui est pourtant généralement considéré comme excipient inapproprié pour la lévothyroxine car le microenvironnement acide peut provoquer la disproportionation du sel en sa forme acide libre, qui a une solubilité nettement moindre, ce qui peut affecter la biodisponibilité
- la présence de composants inattendus ayant un charactère amphiphile qui peuvent modifier l'absorption intestinale, en particulier les lysophospholipides, et les produits de la réaction des excipients tels que le stéarate de mannitol et le palmitate de mannitol.
Pour résumer, leur approche a permis de révéler des procédés de réaction qui se passent à l'intérieur des comprimés, ainsi que la présence de composants inattendus, et ils espèrent que ces résultats permettront à l'avenir de mieux vérifier la bioéquivalence des différentes formulations de lévothyroxine et d'améliorer les mécanismes de contrôle ainsi que la sécurité des produits futurs. |
Donc, ces chercheurs, tout comme Toutain, Concordet et leurs collègues en 2019, attribuent eux aussi les effets indésirables ressentis par les patients au fait que les deux formules n'étaient absolument pas "bioéquivalentes".
Tout cela montre une fois de plus que Merck aurait dû faire des tests beaucoup plus approfondis (car tous ces problèmes, et la sensibilité particulière des médicaments à base de lévothyroxine, sont connus depuis de nombreuses années ! Un simple essai de 72h sur "volontaires sains" était totalement insuffisant !) - et que l'ANSM aurait dû regarder tout cela de beaucoup plus près, avant de "switcher" de force 3 millions de patients, en situation de monopole (!), sans informations et sans alternatives...
Voir aussi :
Tribune VST dans Le Monde, octobre 2017 : http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/10/10/la-defaillance-des-tests-de-bioequivalence-une-des-causes-de-la-crise-du-levothyrox_5198658_1650684.html
Article du Monde, avril 2019 : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/04/04/levothyrox-une-etude-donne-raison-aux-patients_5445668_1650684.html |
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Beate
Inscrit le: 10.10.00 Messages: 50444Carcinome papillaire... 60+ |
Message:
Posté le: 18. Avr 2024, 22:31
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Aujourd'hui, publication de différents articles dans la presse - dont certains ont des titres inutilement alarmistes, et contiennent des informations dont certaines sont inexactes et parfois totalement fausses.
https://www.ladepeche.fr/2024/04/18/videoscandale-levothyrox-une-nouvelle-etude-menee-par-des-chercheurs-toulousains-et-tcheques-charge-le-fabricant-11896501.php (voir photos ci-après)
https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/affaire-du-levothyrox-on-a-servi-de-cobayes-denoncent-des-malades-a-toulouse_60960133.html
https://www.bfmtv.com/sante/levothyrox-une-etude-revele-que-certains-medicaments-presentent-des-impuretes_AN-202404180827.html
https://www.francebleu.fr/emissions/le-quart-d-heure-toulousain/nouvelle-etude-sur-le-levothyrox-elle-montre-que-nous-avons-ete-des-cobayes-dit-la-toulousaine-s-chereau-4642514
Pourtant, si on lit l'article de Jean-Christophe Garrigues, où il présente le résultat de ses recherches (voir message ci-dessus), on constate qu'il n'y rien trouvé d'illicite ou de toxique. Son hypothèse est que la biodisponibilité de la nouvelle formule a pu être altérée, peut-être par les phospholipides venant de la dégradation des excipients (les fameuses "impuretés" - dont la présence n'est absolument pas règlementée).
Mais sa conclusion dit simplement ce que beaucoup d'autres affirment depuis plusieurs années : le problème de base est que les deux formules ne sont pas bioéquivalentes (et qu'aucune formule, parmi toutes les spécialités sur le marché, est vraiment bioéquivalente avec une autre) !
Or, quand on lit de gros titres tels que "les recherches... prouveraient la dangerosité du Levothyrox" (La Dépêche du Midi), c'est tout simplement faux, le chercheur n'a jamais dit ça !
C'est regrettable que certains médias cherchent ainsi à "faire le buzz" avec des titres inquiétants, juste pour attirer des lecteurs.
Bien sûr, la riposte de Merck ne s'est pas faite attendre... "Ils ont précisé être en conformité en tout point à la réglementation en vigueur"... en effet, mais la réglementation est insuffisante (et le chercheur le dit), pour un médicament aussi sensible à marge thérapeutique étroite, c'est connu depuis longtemps ! Même si la règlementation ne demandait QUE ça, se contenter de simples tests de bioéquivalence sur volontaires sains et pendant 72 heures n'étaient pas du tout suffisant !
Il était inconscient et dangereux de "switcher" 3 millions de patients sans information et sans alternatives, c'est un fait - et affirmer pour la énième fois que "la nouvelle formule a fait l'objet d'études de bioéquivalence conformes aux spécifications en vigueur" n'y change RIEN, l'étude Concordet/Toutain de 2019 l'a suffisamment prouvé ! Rien de franchement "illégal", peut-être, mais une imprudence manifeste...
Merck attaque également la validité des analyses, en arguant qu'il n'y a "pas de traçabilité des lots analysés, que certains étaient périmés, que "ni l'origine ni la conservation ne sont décrites" etc.
En effet, ce problème de traçabilité et de conservation des "preuves matérielles" allait d'évidence poser problème, (comme notre association l'avait relevé dès le départ) puisque ce sont les PATIENTS qui collectaient ces lots, puis les envoyaient aux chercheurs, de leur propre initiative et avec les moyens à leur disposition !On peut regretter que ces opérations n'aient pas été menées et encadrées par des juristes (huissiers, avocats...)
Mais on comprend la mobilisation de tous ces patients : comment faire autrement, en désespoir de cause - quand personne ne vous croit, que laboratoire et autorités (et même certains tribunaux) nient le problème, contestent la réalité des symptômes, parlent "d'effet nocebo" etc ? '
A défaut d'être imparable juridiquement, nous espérions, dans l'intérêt commun de tous les patients, qu'une telle étude privée, malgré ses failles en terme de processus, ferait au moins bouger les choses et ouvrirait la voie à des études randomisées.
A propos de l'incurie des autorités, qui a obligé les patients à ces procédés et analyses "de désespoir", voir p.ex. notre discussion de septembre 2018 : Mission d'Information sur les Médicaments - publication du RAPPORT
En tout cas, ces recherches de Mr Garrigues ont le mérite d'exister, et donnent des résultats tout à fait intéressants, démontrant des différences dans la biodisponibilité non seulement entre les deux formules du Levothyrox, mais aussi entre TOUTES les différentes spécialités, prouvant ainsi clairement, une fois de plus, que les médicaments à base de lévothyroxine ne sont pas du tout "interchangeables" ou "substituables" et qu'il est indispensable de modifier la règlementation et les mécanismes de contrôle. |
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