Beate
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Posté le: 21. Jan 2013, 20:15
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Article qui vient de paraitre dans le journal La Croix ... suite à une interview téléphonique réalisée en novembre, si mes souvenirs sont exacts :
http://www.la-croix.com/Ethique/Sci.....le-_NP_-2013-01-21-901772
Citation: | Les patients «experts» partagent leur expérience sur la Toile
Les sites et forums de patients se multiplient sur le web, où les malades s’apportent mutuellement ce que les médecins ne peuvent pas toujours leur donner : des informations et du soutien.
http://www.la-croix.com/var/bayard/storage/images/lacroix/ethique/sciences/sciences/les-patients-experts-partagent-leur-experience-sur-la-toile-_np_-2013-01-21-901772/28989278-2-fre-FR/Les-patients-experts-partagent-leur-experience-sur-la-Toile_article_main.jpg
Quand on lui a diagnostiqué des nodules à la thyroïde, Beate Bartès s’est rendue sur Internet pour chercher des informations susceptibles de la rassurer. «À l’époque, dit-elle, je n’ai trouvé en français que quelques pages médicales avec des termes assez techniques qui m’ont fait peur.» Elle est allée voir sur Google du côté allemand et est tombée sur un site de discussion récemment créé par un patient. «J’ai débarqué avec mes questions, et d’autres patients m’ont expliqué leur histoire, ce qui m’a rassurée.»
Et quand on l’a opérée six mois plus tard et qu’elle a appris qu’il s’agissait d’un cancer, elle est restée sereine, explique-t-elle, car elle avait été «préparée par les anciens ». « Mes médecins (à Toulouse) parlaient de cette petite Allemande qui avait tout appris sur Internet et ils trouvaient dommage qu’il n’existe pas l’équivalent en France.» Beate Bartès décide alors de créer, en l’an 2000, l’un des tout premiers sites français de forum de patients : «Vivre sans thyroïde».
Douze ans plus tard, entre 5 000 et 6 000 personnes s’y connectent chaque jour pour trouver les réponses aux questions qu’elles se posent et partager leur expérience.
C’est ainsi que Muriel Londres, 33 ans, a découvert ce site en 2010. Elle avait eu, adolescente, une maladie de la thyroïde, se sentait épuisée, craignait une rechute ; elle venait de faire des analyses, mais n’avait pas la patience d’attendre la prochaine consultation… «J’ai donc fait comme font aujourd’hui 70 % des Français (selon Ipsos) : j’ai tapé sur Google “thyroïde” et suis tombée sur le forum de l’association. J’y ai noté mes résultats d’analyse et quelqu’un m’a diagnostiqué, avant mon médecin, qu’il ne s’agissait pas d’une rechute mais d’une autre maladie auto-immune… J’ai surtout pu, précise-t-elle, exposer mes symptômes et exprimer mes angoisses. À 31 ans, je me sentais fatiguée, sans énergie, incapable de penser, je grossissais et les médecins ne tenaient pas compte de ce que j’éprouvais.»
Après des mois d’errance médicale, elle décide de «prendre sa santé en main», se forme, s’informe, et fait partager à son tour aux autres l’«expertise» qu’elle a acquise. «Je suis au courant de ce que vivent les patients, mais j’assiste aussi à des congrès, des journées professionnelles… Je filme des conférences, les mets sur YouTube, twitte les articles médicaux les plus intéressants… et organise des “cafés-thyroïde” où des patients se rencontrent en vrai !»
Ces sites de patients « experts » – certains leur préfèrent le terme de « e-patients » – se sont multipliés ces derniers temps sur le Net et connaissent un succès grandissant. Signe qu’ils répondent à des attentes très fortes que notre système de santé ne peut pas satisfaire. Parfois, il s’agit au départ d’un simple blog, comme celui créé en 2009 par Catherine Cerisey, « apresmoncancerdusein ».
À la suite d’une rechute de son cancer (en 2002), elle a voulu aussi chercher des informations sur Internet – «mes médecins me l’ont reproché», précise-t-elle – pour comprendre les résultats de ses examens, décrypter le jargon des médecins, mais aussi rencontrer ses «pairs», pour s’ouvrir, à 37 ans, des «perspectives d’avenir».
En ouvrant son blog, elle a voulu proposer aux autres ce soutien qu’elle n’avait pas trouvé à l’époque. Autour d’elle, une «petite communauté» s’est créée et de plus en plus de patientes la rejoignent. «J’ai été sous hormonothérapie pendant cinq ans. Aucun médecin n’est capable de savoir ce qu’on vit au quotidien ; 40 % des femmes arrêtent leur traitement avant deux ans, alors que si elles étaient mieux informées, et prenaient leur décision en connaissance de cause, elles auraient plus de chances de guérir.»
Le site artisanal, mis en ligne il y a dix ans par Yvanie Caillé, 39 ans, a connu lui aussi un succès spectaculaire (http://www.renaloo.com/). Atteinte d’une maladie rénale depuis l’âge de 12 ans, dialysée à 28, greffée un an plus tard, elle a voulu «raconter son histoire et donner de l’espoir aux autres».
Aujourd’hui, Renaloo est devenu la première «communauté Web» de patients et de proches, et une association très active dans la prise en charge des maladies rénales ; elle participe actuellement aux états généraux du rein.
On y trouve des synthèses d’articles médicaux, des vidéos, témoignages, échanges de conseils, forums et réseaux sociaux d’entraide. «Internet est un outil fabuleux pour les malades, souligne Yvanie Caillé. Ils peuvent avoir accès à des informations jusque-là réservées au monde médical, mais trouver aussi cette solidarité dont on a tant besoin.»
Elle croit aussi très fort en cette «intelligence collective» qui se met en place sur le Web. «Car, contrairement à ce qu’on entend souvent, on ne trouve pas “tout et n’importe quoi” sur Internet, assure-t-elle. Et une information erronée n’y reste pas longtemps : elle est aussitôt corrigée par les autres.»
Il ne s’agit pas non plus de prôner l’auto-médication. «L’expertise des patients est très complémentaire de celle des médecins, elle ne s’y substitue pas : ils ont l’expérience du vécu des traitements que les médecins n’ont pas.» « Les patients sont la ressource la plus inexploitée dans notre système de santé, estime-t-elle. Notamment dans les maladies rares et chroniques.»
Mais le changement est enclenché. Face à ces communautés Web de patients, les médecins étaient en effet jusque-là plutôt méfiants et beaucoup les ignoraient. Depuis quelque temps, certains commencent à collaborer avec eux, à les inviter à des conférences.
Benjamin Sarfati, chirurgien plasticien, créateur d’un réseau social réservé aux médecins, estime même qu’ils peuvent devenir de véritables partenaires. «Ils détiennent aussi ce qu’aucun autre médecin ne peut mesurer de façon objective : le ressenti de la maladie, des traitements et de ses effets secondaires. On peut imaginer, grâce à Internet, qu’ils s’organisent, et nous apportent des informations qu’on ne connaissait pas. Les patients demandent par ailleurs de plus en plus d’informations et il est illusoire de penser qu’au cours d’une consultation on puisse les leur délivrer toutes. Les médecins ont donc besoin de relais et les patients dits “experts” peuvent jouer ce rôle.»
«De toute façon, quand les patients arrivent, ils ont déjà des informations et vont en chercher après, sans attendre la prochaine consultation. Parfois, ils ont un trop-plein d’informations. Ce devrait être à nous de les aiguiller, en leur conseillant de se rendre sur tel ou tel site…» Il incite aussi ses confrères à s’y mettre. Car, face à cette révolution qui s’amorce, « on ne pourra plus exercer la médecine comme avant ».
REPÈRES
Trois siècles et demi avant Jésus-Christ, dans Les Lois, Platon faisait la distinction entre une médecine hâtive, destinée aux esclaves, à qui on prescrivait des «ordonnances», et la médecine destinée aux «hommes libres», qu’il décrivait ainsi : «Après avoir procédé à un examen du mal depuis son début et, à la fois, selon ce qu’exige la nature d’un tel examen, entrant en conversation tant avec le patient lui-même qu’avec ses amis, ainsi en même temps que du malade, (le médecin) apprend personnellement quelque chose, en même temps aussi, dans toute la mesure où il peut, il instruit à son tour celui qui est en mauvaise santé ; bien plus, il n’aura rien prescrit qu’il n’ait auparavant gagné sa confiance.»
CHRISTINE LEGRAND |
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