Beate
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Message: (p99514)
Posté le: 06. Nov 2006, 10:13
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Bonjour,
vu que l'article ne restera consultable en ligne, sur le site du Monde, que quelques jours, mais qu'il est hautement intéressant pour les patients qui prennent des hormones thyroidiennes, je me suis permis de le recopier dans le forum :
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L'élixir fatal de l'apothicaire
LE MONDE, édition du 4 novembre 2006
Au printemps, l'affaire des "gélules amaigrissantes" avait défrayé la chronique. Le 19 avril, le ministère de la santé lançait une alerte afin de retrouver les personnes susceptibles d'avoir consommé une préparation magistrale à base d'extraits thyroïdiens confectionnée dans une pharmacie parisienne. Une femme de 57 ans en était morte, dix-sept autres étaient hospitalisées, dont sept pour des pathologies graves.
Six mois plus tard, les procès-verbaux (PV) de police - que Le Monde a pu consulter - livrent les dessous d'une affaire dans laquelle médecine et commerce semblent ne faire plus qu'un.
Le pharmacien incriminé a été mis en examen, le 28 avril, pour "mise en danger de la vie d'autrui", "homicide et blessures involontaires". Le médecin prescripteur - suspendu par arrêté préfectoral - vient d'être convoqué devant la section disciplinaire du conseil régional de l'ordre des médecins pour manquement aux bonnes pratiques médicales.
L'affaire a débuté le 18 avril. Vers 12 h 30, ce jour-là, une jeune femme en colère se rend à la pharmacie Demours-Maizil, rue de Prony, dans le 17e arrondissement de Paris. "Elle m'a présenté trois flacons de gélules - des coupe-faim, des "brûle-graisse" à base de plantes, et des extraits thyroïdiens - qui venaient tous de notre officine, a raconté aux policiers Nadia, préparatrice en pharmacie. Elle m'a demandé qui les faisait et quelle était leur composition (...). La jeune femme s'est énervée en disant que c'étaient des produits dangereux, que sa mère était à l'hôpital entre la vie et la mort. Je lui ai dit qu'on en vendait régulièrement, sans avoir de problème."
Après la visite, la préparatrice a aussitôt averti le pharmacien qui a confectionné les gélules. Dans la pharmacie, c'est "l'affolement". "Des personnes - familles de patientes ou médecins de services de réanimation - nous appellent pour savoir ce que contiennent ces gélules, a précisé Nadia, lors de sa déposition, avant d'ajouter : "Nous avons prévenu les autorités sanitaires."
Au soir du 18 avril, la mère de la jeune femme qui avait alerté la pharmacie meurt à l'hôpital Saint-Antoine. "Le 6 avril, comme tous les mois, ma mère s'était rendue chez son endocrinologue, rue de Prony, pour qu'il lui prescrive ses gélules amincissantes, a relaté la jeune femme sur PV. Ce médecin la suivait depuis quatre ans et demi. Une semaine plus tard, elle a eu des troubles neurologiques, des hallucinations et elle était très fatiguée. Le 14 avril, elle a été transférée en réanimation, dans le coma. Les médecins ne comprenaient pas la pathologie de ma mère."
En consultant la messagerie du mobile de sa mère, elle a constaté que le pharmacien avait tenté de la joindre à trois reprises, le 20 avril. Trop tard pour lui dire de ne pas prendre le produit. Lorsqu'elle a découvert l'alerte du ministère de la santé, la jeune femme a immédiatement fait le lien, appelé la police, et porté plainte. Au total, cent soixante-douze femmes seront contactées pour qu'elles arrêtent immédiatement leur traitement.
"Je suis effondré, je ne comprends pas comment j'ai pu faire une erreur pareille", a lâché le pharmacien dans un PV. Il a confirmé que les ordonnances du médecin contenaient "trois préparations" : la première, composée notamment de caféine, de sibutramine, d'aminophylline et de diazepan - un "cocktail" d'anorexigène et de diurétique, censé renforcer le sentiment de satiété - ; la deuxième, à base de différentes plantes dont du fucus ; la troisième renfermant de la poudre de thyroïde. C'est dans cette dernière que le pharmacien dit avoir "fait une erreur énorme". "Je ne me l'explique pas", a-t-il ajouté.
Après analyse, il s'est avéré que ces gélules comportaient une dose de lévothyroxine (hormone thyroïdienne de synthèse) 400 à 800 fois supérieure à la dose thérapeutique attendue. L'enquête a démontré que ces gélules n'ont pas fait l'objet d'inscription sur l'ordonnancier. "Effectivement, je ne notais pas la délivrance, je conçois que cela (ait été) fait en dépit du bon sens et des règles de la pharmacie", a admis le pharmacien devant les policiers.
M. Maizil était, apparemment, un stakhanoviste de la préparation magistrale, allant jusqu'à confectionner 4 000 gélules par jour. "Je suis insomniaque, je passe beaucoup de temps dans ma pharmacie", a-t-il justifié. Combien en avait-il préparé début avril à base d'extraits thyroïdiens ? "Un millier, je crois", a-t-il répondu. De plus, certaines préparations à visée amaigrissante étaient en infraction avec la loi Talon de juillet 1980, qui interdit de mélanger certaines substances (diurétiques, anorexigènes, psychotropes, extraits thyroïdiens) : "C'est effectivement une infraction, je ne sais quoi ajouter", a reconnu le responsable de l'officine.
Le PV du pharmacien inspecteur de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) d'Ile-de-France est édifiant : "La balance de la pharmacie n'était pas contrôlée ni l'uniformité de masse des gélules ; les préparations magistrales étaient faites à l'avance, n'étaient pas inscrites sur l'ordonnancier, ne comportaient, sur l'étiquetage, ni le nom ni la dose de chacune des substances actives ; la fabrication était régulière et répétée, c'était un processus quasi industriel."
Les ordonnances de l'endocrinologue ? Elles étaient "illisibles, ne comportaient ni le nom du patient, ni la date, ni le tampon de la pharmacie, détournaient la loi Talon". "Il pourrait s'agir d'un compérage entre le médecin et le pharmacien", a suggéré l'inspecteur de la Drass.
Plusieurs victimes l'ont confirmé sur PV : "Cette pharmacie était prescrite par l'endocrinologue. Quand on y allait, on avait la préparation au bout de cinq à dix minutes." Une vingtaine de patientes, ainsi que l'ordre national des pharmaciens ont porté plainte. "Quand je demandais la composition des produits au médecin, il me disait que c'était rien que des choses naturelles, du fucus, des algues, des plantes", a témoigné l'une des patientes.
Installé en cabinet libéral depuis plus de vingt ans, le docteur s'était constitué une grosse clientèle. Grâce à une consultation peu chère dans ces beaux quartiers de Paris (45 euros) et une spécialisation en nutrition, le bouche-à-oreille a rapidement fonctionné. Ses patientes venaient de Paris, mais aussi de banlieue. "Je soignais des problèmes d'hypothyroïdie que je découvrais chez des personnes qui voulaient perdre du poids", a-t-il expliqué aux enquêteurs.
"La plupart de ces patientes avaient une corpulence normale, il n'y avait pas beaucoup d'obèses", a témoigné une secrétaire médicale du cabinet. "Le docteur voyait 50 à 60 patientes par jour, a-t-elle expliqué. J'avais instruction de prendre deux rendez-vous par quart d'heure. Parfois il envoyait l'ordonnance par courrier contre un chèque de 45 euros." Et d'ajouter : "Il était très ami avec le pharmacien. Des éléments me font dire que ce dernier versait une commission pour chaque patient envoyé chez lui."
Sandrine Blanchard
Article paru dans l'édition du 04.11.06 |
Bonjour,
Sandrine et Christian, merci beaucoup pour ce lien, c'est édifiant ! Et vous avez raison, ca fait froid dans le dos, ce que certains font "par appât du gain", en contournant toutes les lois ... le pharmacien qui concoctait des milliers de gelules par jour dans son arrière-boutique, avec une balance même pas étalonnée, sans inscrire les produits sur l'ordonnancier, sans noter la composition sur l'étiquette ... et l'endocrino qui voyait "50 à 60 patientes par jour" (!!!) - bon, il ne prenait "pas cher pour ces beaux quartiers", mais à 45 € la consultation, il devait bien gagner sa vie, et toutes celles à qui il envoyait les ordonnances par courrier contre un chèque, je suis sure qu'il ne leur faisait même pas de feuille de soin, donc ca allait directement dans sa poche ... Bizarre quand-même, que la sécu, par exemple, ne se soit jamais étonnée comment un médecin pouvait soigner 60 patientes par jour ? Apparemment, ce petit commerce marchait très bien, le bouche à l'oreille pour "le docteur qui préscrit les pilules qui font maigrir" fonctionnait à fond ...
Pour le pharmacien et sa "confusion", je ne vois pas trop comment il aurait pu "confondre" poudre de thyroide de porc et "thyroxine synthétique", car je ne pense pas que la thyroxine synthétique soit disponible "en vrac", sous forme de poudre, à l'intention des pharmaciens ? Elle n'entre PAS dans les préparations magistrales ? Normalement, on ne devrait donc la trouver qu'en comprimés déjà tout prêts (Lévothyrox ou similaire), SAUF chez les fabricants de ces comprimés (Merck etc). Ce pharmacien a dû s'approvisionner par une filière illégale, en important de la thyroxine "pure", en poudre, destinée aux laboratoires pharmaceutiques (car avec des comprimés de Lévothyrox ou autre, qui, outre une infime quantité de thyroxine synthétique, contiennent surtout beaucoup d'amidon, de lactose etc, même en les réduisant en poudre, il n'aurait pas été possible de faire tenir "400 fois la dose" dans une seule gelule).
Et donc, s'il possédait cette thyroxine synthétique en poudre, ultra-puissante puisque très concentrée (un microgramme, c'est juste une petite poussière ...), c'était en toute connaissance de cause (et en toute illégalité) qu'il bidouillait dans son arrière-boutique, et avec sa vieille balance non étalonnée (ce qui fait frémir quand on connait la puissance de la thyroxine synthétique ... nous qui en prenons, nous savons que chez certains, 5 ou 6 microgrammes de plus ou de moins font déjà une différence notable ...), pas étonnant qu'il arrive des accidents ... C'est vrai qu'au moment de faire ces gelules-là, il s'est peut-être en effet trompé de pot de poudre, mais peut-être a-t-il seulement eu la main un peu plus lourde que d'habitude et sa balance ne le lui a pas montré (la différence entre p.ex. 10 µg et 400x plus, soit 4000 µg, en quantité, est à peine visible à l'oeil nu, car 4 milligrammes, ca ne fait toujours pas beaucoup de poudre)
Je ne sais pas si un jour, on saura tout sur les dessous de cette affaire ... reste à espérer que cela ne se reproduise plus, et qu'on empêche les "officines obscures" (il doit en exister d'autres que la pharmacie Demours ?) de se procurer ce genre de produits hautement actifs, et donc potentiellement dangéreux, pour bidouiller dans leur arrière-boutique sans être soumis à aucun contrôle, alors que dans les laboratoires industriels, les contrôles ont lieu à plusieurs stades tout au long de la fabrication et sont très stricts ...
Susanne, pour "l'interdiction du Lévothyrox", je ne pense pas que ce soit pour demain - d'ailleurs, comme expliqué plus haut, ce n'est pas avec du Lévothyrox qu'il a dû bidouiller, mais bien avec le principe actif, la thyroxine pure, qu'il a dû se procurer par des filières pas très légales ...
En fait, maintenant qu'on SAIT que ce n'est pas la poudre de thyroide de porc qui était en cause (ce que nous, dans le forum, avons d'ailleurs dit depuis le début !), mais la thyroxine synthétique que ce pharmacien s'était certainement procurée de manière illégale, l'AFSSAPS devrait logiquement reviser sa position par rapport à l'interdiction des hormones naturelles ? Bon, je ne pense pas qu'ils le feront (en tout cas, pas d'eux-mêmes !) ... à moins que TOUS les patients concernés (tous ceux qui prenaient les préparations magistrales à base de poudre de thyroide de porc - et cela pour traiter des maladies thyroidiennes, pas pour "maigrir" !) se mettent à écrire à l'AFSSAPS et au Ministre de la Santé ? Ce qui est dommage, c'est qu'on n'ait aucune idée de leur nombre exact, ils doivent être quelques milliers en France ... et qu'il sera difficile de les contacter, pour la plupart ce doivent être des personnes d'un certain âge qui prennent ces préparations-là "depuis toujours", et ne sont jamais passées au Lévothyrox lors de sa commercialisation (sauf maintenant, contraintes et forcées), donc ce sont des personnes qui ne vont pas sur Internet, ne viennent pas dans le forum ... Christian, via ton pharmacien (puisque toi aussi, tu as pris cette préparation magistrale à une époque, et qu'il n'existe que trois pharmacies en France, je crois, qui la fabriquent ?), serait-il possible de trouver des infos là-dessus ? Moi, j'aurais bien envie d'écrire à l'AFSSAPS et au ministre de la Santé pour demander leur avis ... bien sûr, on n'autorisera plus les mélanges de produits divers, contenant "entre autres" de la thyroxine, mais pour les gelules contenant UNIQUEMENT de la poudre de thyroide de porc, destinées à traiter l'hypothyroidie et fabriquées uniquement dans certaines pharmacies strictement contrôlées (donc, en fait, l'équivalent de l'Armour Thyroid non commercialisé en France), je pense que ce serait tout à fait envisageable ? J'ai peu d'espoir d'arriver à changer quoi que ce soit, mais bon ... (ils doivent être bien contents d'avoir enfin interdit TOUT ce qui contient de la thyroxine, peu importe qu'elle soit naturelle ou synthétique - d'ailleurs, en relisant le texte de la loi, on voit bien qu'elle concerne AUSSI l'importation et l'utilisation de la thyroxine synthétique pour les préparations magistrales, et c'est surtout CA qui est important, puisque c'est CA qui est dangéreux, comme on l'a vu dans cette affaire)
Bonne journée !
Beate |
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