Beate
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Message: (p112204)
Posté le: 10. Fév 2007, 23:06
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Bonjour Enid,
j'ai essayé d'ouvrir cette thèse, mais je n'y parviens pas avec ton lien ?
J'ai lancé une recherche sur Google avec "Etude de l'impact psycho-social du dépistage de prédisposition au cancer médullaire de la thyroïde"
Ca donne 4 liens, mais aucun ne veut s'ouvrir ... le seul moyen de lire malgré tout le texte est de passer par un les liens "en cache" : http://209.85.129.104/search?q=cach.....t=clnk&cd=2&gl=fr (et encore, ça ne marche pas dans tous les cas, mais j'ai réussi à l'ouvrir UNE fois ...) - ou alors, essayer de cliquer sur "version HTML", là j'ai pu avoir la totalité du texte, même si ce n'est pas bien présenté : http://209.85.135.104/search?q=cach.....t=clnk&cd=1&gl=fr
Je vous recopie la synthèse :
Citation: | Freyer Gilles
Mémoires - 1997
Au cours de la dernière décennie, les progrès rapides de la biologie moléculaire ont permis l'identification de nombreuses mutations génétiques prédisposant au cancer.
L'identification de sujets " à risque " de cancer pose de nombreux problèmes scientifiques (procédures de surveillance et de dépistage, gestes chirurgicaux prophylactiques éventuels) mais aussi d'ordre éthique : impact psycho-social de l'information délivrée par le médecin, risque de stigmatisation et de marginalisation des individus porteurs de mutations prédisposantes, tentation eugénique en relation notamment avec le dépistage anté-natal.
Ce travail s'attache à évaluer d'abord les conséquences psycho-sociales du dépistage génétique de prédisposition au cancer médullaire de la thyroïde, dont le caractère héréditaire est connu.
Depuis Décembre 1996, les sujets atteints de cancer médullaire de la thyroïde - sporadique ou familial - et les individus non malades suivis du fait de leur appartenance à des familles à risque, sont invités à participer à ce protocole, dans le cadre de consultations spécialisées, à l'Institut Gustave Roussy (Villejuif), l'Hôpital de la Timone (Marseille) et l'Hôpital du Brabois (Nancy). Ils remplissent un questionnaire psychométrique : l'Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS), un questionnaire de qualité de vie : le Profil de Qualité de la Vie Subjective (PQVS) et trois questions ouvertes.
Nous présentons ici des résultats préliminaires portant sur les 44 premiers participants.
Si les profils psychométriques et la qualité de vie globale sont comparables entre individus génétiquement prédisposés et cas sporadiques, les attentes de changements favorables en terme de qualité de vie sont très supérieures dans le groupe des sujets porteurs de mutations du protooicogene RET. Ces résultats suggèrent que la connaissance de l'information génétique est pour cette population source de frustrations, d'insatisfaction latente et d'altération globale des paramètres psycho-sociaux. |
C'est apparemment une thèse de 1997, sur l'impact que ce dépistage du cancer médullaire héréditaire peut avoir sur les familles ... et je me rappèle les problèmes similaires qu'a eu Caro59 quand on s'est rendu compte que son cancer du sein était une forme héréditaire, et qu'il a fallu avertir la famille, les inciter à se faire tester etc (ce que certains ont catégoriquement refusé) ... pas facile, tout ça !
Et je crois que la loi a changé (ou doit changer ?) - ce ne sera plus à la FAMILLE de prevenir les proches (tâche très délicate, et certains risquent de ne PAS transmettre l'information), mais aux médecins généticiens ...
Bon courage à tous !
Beate |
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Beate
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Message: (p112249)
Posté le: 11. Fév 2007, 11:56
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Bonjour Enid,
concernant la thèse de Gilles Freyer, je recopie ici ce que j'ai pu trouver dans la "version HTML" du fichier (importé, puis corrigé dans Word), seule version qu'on arrive à ouvrir sur Google (avant que ça ne disparaisse à son tour), ainsi on aura un aperçu complet. Je n'inclus PAS les reférences bibliographiques (64 au total, dont la plupart concernent d'autres cancers héréditaires, p.ex. du sein et des ovaires), mais pour ceux que ça intéresse, je peux leur envoyer la totalité de l'article par mail !
Beate
Citation: | ETUDE DE L'IMPACT PSYCHO-SOCIAL DU DEPISTAGE DE PREDISPOSITION AU CANCER MEDULLAIRE DE LA THYROIDE: UNE APPROCHE DE LA 'FAMILIALITE'
Présenté par Gilles FREYER DEA 1997
D'un point de vue diachronique, nous pouvons distinguer, dans la conception nosographique occidentale, plusieurs " temps épistémologiques ": le temps des dogmes unificateurs (corpus hippocratico-galénique, époque scolastique et période pré-scientifique), qui comblaient les lacunes de la connaissance à grands renforts de théories globalistes; le temps des systématisations étiopathogéniques, souvent excessivement réductrices (avènement de l'anatomoclinique); le temps des complexités enfin, à l'ère scientifique.
Le cancer illustre parfaitement cette évolution des concepts, qui a suivi de près l'évolution des connaissances. Pour un clinicien coaque (?), la maladie néoplasique se fût expliquée par l'accumulation d'humeurs peccantes et fratricides; pour un universitaire scolastique, par la nécessité du châtiment divin; les anatomo-cliniciens en ont décrit les caractéristiques histologiques (prolifération, destruction des structures adjacentes,processus métastatique); les scientifiques nous ont enseigné son caractère finalement multifactoriel, lié à une pluralité d'agents inter-agissant entre eux : rayonnements, virus, agents chimiques, spécificités ethniques,environnementales, altérations géniques souvent mal connues, hérédité non spécifique...
Avec l'avènement de la génétique moléculaire, cette notion " fourre-tout " se clarifie et l'identification de facteurs de prédisposition désormais bien connus laisse augurer de la possibilité de connaître un jour l'ensemble des déterminants génétiques de cette maladie. La notion même de multifactorialité semble donc désormais accessible au regard clinique et à l'investigation biologique.
L'analyse de la littérature nous apprend que les cancers d'origine génétique représentent de 5 à 10 % de l'ensemble des cancers et, qu'à ce titre, ils créent davantage de problèmes individuels que de Santé Publique. Cette assertion aux allures de poncif appelle quelques commentaires : tout d'abord, la réalité de ces chiffres paraît discutable dans la mesure où elle repose sur un consensus d'experts plus que sur des données épidémiologiques fiables (rappelons le faible nombre de registres du cancer en France); ensuite, le nombre de mutations décrites augmente d'années en années, permettant d'expliquer un nombre croissant de cas familiaux,et il n'est pas impossible que, dans l'avenir, la recherche de ces mutations puisse s'appliquer à la population générale.
A cet égard, la lecture du New England Journal of Medicine de Mai 1997 est édifiante: on y trouve pas moins de quatre articles consacrés aux cancers du sein et de l'ovaire en relation avec des mutations de BRCA- 1et BRCA-2, que l'on sait aujourd'hui identifier grâce à la biologie moléculaire, bien qu'il s'agisse d'une technique difficile encore très éloignée de la routine. Le plus intéressant est sans doute l'oeuvre de JP Struewing et al, qui rapportent les résultats d'une étude de population menée par le NCI (National Cancer Institute, Bethesda, USA) auprès de 5318 individus juifs ashkénazes vivant dans la région de Washington. La forte concentration de cas familiaux de cancers du sein et de l'ovaire est bien connue dans cette population - probablement du fait de l'existence d'une mutation fondatrice - et l'objectif de cette étude était de disposer de données épidémiologiques concernant la fréquence des mutations de BRCA-1 et BRCA-2. Les sujets testés ont été recrutés sur la base du volontariat, au terme d'une campagne d'information intensive (mailings postaux, journaux, radio et télévision). De cette manière, le panel testé pouvait être considéré comme représentatif de la population juive ashkénaze américaine et il ne s'agissait pas - point particulièrement important - d'individus appartenant tous à des familles " à risque ". Au final, 120 porteurs de mutations ont été identifiés, ce qui représente plus de 2 % de la population étudiée (Struewing JP, Hartge P,Wacholder S et aL The risk of cancer associated with specific mutations of BRCA-1 and BRCA-2 among ashkenazi jews. N Engl J Med 1997, 336: 1401 - 8).
Pour des pathologies aussi graves que les cancers du sein et de l'ovaire, il ne s'agit plus de problèmes individuels mais bel et bien de la justification d'un dépistage de masse: en effet, dans la même étude, le risque de survenue de cancers du sein avant l'âge de 70 ans chez les porteurs de mutations s'élève à 56 % (un peu moins que ce qui était généralement admis jusque-là), contre 16% pour le cancer de l'ovaire et 16% pour le cancer de la prostate. Il n'a été retrouvé aucune augmentation du risque relatif de cancer du côlon, ce qui, là encore, tranche quelque peu avec les données de la littérature.
Au-delà des difficultés techniques - bien peu de laboratoires dans le monde sont aujourd'hui en mesure d'identifier de manière suffisamment fiable toutes les mutations de BRCA-1 et BRCA-2 -, le problème reste entier, notamment pour ce qui concerne les implications éthiques et le risque évident de stigmatisation des individus porteurs. Dans l'étude de Struewing et al, de nombreuses garanties ont été prises : le protocole a reçu l'imprimatur de comités d'éthique, d'associations de malades, d'organisations juives représentatives ainsi que des juristes consultés par le NCI. Il n'y a pas eu de communication de données individuelles, conformément aux recommandations internationales qui proscrivent actuellement tout "prosélytisme "de la part des médecins.
Enfin, il n'est pas sûr que le cancer héréditaire se comporte comme le cancer sporadique: comment évolue-t-il ? Quel est son pronostic ? Comment réagit-il aux traitements anticancéreux ? Nul ne le sait à ce jour. Des réponses pourront sans doute être apportées dans l'avenir, encore faut-il que soient mises en oeuvre des études de cohorte dont la complexité est certaine mais la nécessité évidente.
Pour toutes ces raisons, l'oncogénétique va très probablement dépasser le cadre de la recherche, de la famille et de l'individu et occuper, à l'image de ce qu'il adviendra de la génétique en médecine, le devant de la scène médicosociale. Une telle " prévision " relève moins de la fiction que du bon sens le plus élémentaire, comme en témoignent les préoccupations actuelles de nombreux spécialistes au sujet de cette médecine de prédiction ou de " présomption ", selon le mot de JF. Mattéi. Une autre évidence s'impose: l'évolution des connaissances dans ce domaine est si rapide, les bouleversements conceptuels si nombreux, que toute tentative de synthèse, toute revue générale des pratiques, toute publication même bien documentée, est condamnée à l'obsolescence en quelques mois ou années. Nous avons donc pleinement conscience de ne rapporter ici que quelques éléments d'une réflexion sans cesse en mouvement, par ailleurs source de difficultés considérables sur le plan éthique.
Le terme " présomption "se rapporte à une probabilité forte : celle de présenter la maladie à un âge donné. Cette probabilité s'exprime de façon cumulée, pour atteindre dans les âges élevés, par exemple dans le cas du cancer du sein, une valeur proche de un. Selon la pathologie considérée, les procédures de dépistage et de traitement ont une efficacité variable, quelquefois encore controversée, de sorte que le " rendu d'informations"au clinicien puis au patient pose à l'échelon individuel la question des implications purement médicales de la décision d'informer.
Il faut ajouter à cela les conséquences médico-psychologiques individuelles et familiales que commencent seulement à explorer certaines études prospectives menées auprès des individus porteurs de mutations prédisposantes.
Au-delà, il faut considérer le problème posé par la connaissance du risque pour certains sujets qui, s'exposant à la stigmatisation et à la discrimination (risque professionnel, refus d'assurance ... ), deviennent socialement vulnérables, d'où la nécessité d'une réflexion approfondie autour de la confidentialité des données médicales.
Enfin, les implications diverses de la connaissance en biologie moléculaire, qu'il s'agisse du risque toujours réel d'eugénisme, notamment par le biais du diagnostic anténatal, ou de considérations plus générales sur les changements conceptuels qu'impliquera cette nouvelle révolution scientifique, ne se peuvent concevoir que dans le cadre d'une réflexion transdisciplinaire, au-delà du seul cadre médical.
Il n'y avait pas selon nous de meilleur espace de réflexion que celui de l'éthique biologique et médicale; cependant, nous n'avons pas cherché à résoudre l'ensemble des problèmes posés en un seul protocole de recherche clinique. Nous nous sommes tenu à une méthodologie scientifique, qui comme chacun sait, constitue le préalable à toute réflexion éthique. Nous avons délibérément choisi de consacrer notre travail à l'examen des conséquences psychologiques individuelles et familiales du dépistage génétique de prédisposition au cancer, sur la base d'un modèle que nous considérons comme didactique - nous aurons à le justifier plus loin - : le médullaire de la thyroïde. Il s'agit de l'objectif principal de notre étude, déjà fort vaste, et nos efforts ont tendu vers un traitement le plus honnête possible de cette problématique constitutive de la problématique éthique générale.
Pour autant, nous n'éluderons absolument pas la totalité des questions posées plus haut, mais nous aurons alors dépassé le cadre scientifique pour celui des conjectures, des opinions personnelles, du droit ou delà philosophie...
Notre travail doit être vu comme une contribution parcellaire à la réflexion pluridisciplinaire autour de l'oncogénétique et surtout comme un préalable à des études ultérieures, moins naturalistes, donc plus inférentielles.
Le déroulement de cette étude nous paraît à ce jour très satisfaisant, d'un point de vue à la fois méthodologique et pratique. La qualité de recueil des données par les investigateurs est excellente, ce dont témoigne le très faible nombre de données manquantes. Les questionnaires eux-mêmes sont correctement remplis par les personnes participant à l'étude, ce qui atteste la qualité de l'information qui leur est oralement transmise sur les conditions de l'étude et ce que l'on attend d'eux.
Le recrutement se poursuit sur un rythme rapide et des contacts sont pris actuellement avec le CHU de Grenoble dans le but d'ouvrir un nouveau centre investigateur. D'ici à la fin de l'année 1997, nous aurons atteint l'objectif de recrutement initial.
Il nous apparaît que ce constat positif n'est pas le fait du hasard, mais résulte du savoir-faire de professionnels motivés, ouverts à la pratique de la recherche clinique et habitués à évaluer leurs propres pratiques. Le cancer médullaire de la thyroïde est l'objet depuis des années d'une approche multidisciplinaire intégrant des travaux de recherche clinique et fondamentale, dans le cadre d'une concertation active entre généticiens et cliniciens.
Le niveau de complexité des problèmes posés en oncogénétique rend illusoire leur maîtrise exhaustive par une seule catégorie de professionnels; elle implique au contraire un vaste débat au sein même de la communauté scientifique et au-delà, à l'échelle de la société en tant que lieu d'élaboration de la politique de santé de la nation. Nous avons même fait remarquer précédemment que certains Problèmes éthiques nécessitent des échanges de vues supra-nationaux...
La nécessité de constituer, jour après jour, des groupes de réflexion dont le rôle serait d'améliorer la prise en charge des patients à risque, est évidente. Elle va de pair avec un impératif d'évaluation des pratiques et, sur ce point particulier, tout reste encore à faire. Cette évaluation, psycho-sociale ou autre, est d'abord descriptive et corrélative mais, une fois la méthodologie acquise, devrait encadrer des interventions standardisées destinées à corriger tel ou tel aspect problématique : amélioration de l'information délivrée aux patients, soutien psychologique structuré, collaboration avec le tissu associatif...
Nous avons la chance de participer, à Lyon, à une dynamique de cet ordre; la méthodologie utilisée pour le cancer médullaire de la thyroïde nous paraît fiable et utile à la compréhension de problèmes quelquefois subtils. Le souhait que nous formons ici est de susciter, sur cette base, de nouveaux et nombreux travaux.
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