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bobette
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bobette
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Fanny CH
Inscrit le: 03.05.04 Messages: 4021OP TT 2012 Tirosint ... près Lausanne, Suisse 70+ |
Message: (p530650)
Posté le: 01. Mai 2020, 14:24
Merci. Ce message m'a été utile ! ont dit : aurore75, bobette, Nicole2
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Bonjour Bobette,
Cela ne m'étonne alors pas du tout!
Le Téléjournal Suisse Romande de 19.30 h est un peu plus modéré que celui de France2. Pendant des semaines, on nous a montré des malades transportés à l'hôpital, puis sur les lits au service de réanimation dans des positions inquiétantes.
Ensuite on nous a parlé des traitements dans tous les détails, puis informé que pas OK.
Les gros plans de piqûres et bâtons de dépistage ont déjà fait fuir mon mari depuis un moment.
Il est évident que ces informations très anxiogènes vont laisser des traces.
Il y a des jeunes et moins jeunes qui vont reprendre le chemin du travail avec la peur au ventre; transports publiques et places de travail sécurisés? Deuxième vague ou non?
Ma fille travaille comme éducatrice dans une crèche.
Je termine sur une note d'humour, message transmise par une amie:
"""" Communiqué du syndicat national des psychiatres.
Chers concitoyens, étant donné que nous sommes inondés d'appels, nous vous informons que durant la période de quarantaine, il est tout à fait normal de parler aux murs, plantes et autres pots. Veuillez nous contacter uniquement s'ils vous répondent. """"
Mon amie m'a envoyé une photo de sa récente plantation en disant:
Elles poussent bien, sont jeunes encore, mais je suis sûre qu'elles vont bientôt me répondre.
Bon WE,
Fanny CH |
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
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ki
Inscrit le: 09.03.18 Messages: 3448Basedow - Thyroïdect... Bordeaux |
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
Message: (p531685)
Posté le: 17. Mai 2020, 13:33
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"«Enfin, un virus m'a attrapé. Un scientifique qui a combattu Ebola et le VIH réfléchit à la mort de COVID-19"
https://www.sciencemag.org/news/202.....ts-facing-death-covid-19#
Citation: | [...]
J'ai toujours eu un grand respect pour les virus, et cela n'a pas diminué. J'ai consacré une grande partie de ma vie à la lutte contre le virus du sida. C'est une chose tellement intelligente; il élude tout ce que nous faisons pour le bloquer. Maintenant que j'ai moi-même ressenti la présence convaincante d'un virus dans mon corps, je regarde les virus différemment. Je réalise que celui-ci va changer ma vie, malgré les expériences de confrontation que j'ai eues avec des virus auparavant. Je me sens plus vulnérable.
[...]
Plus nous en apprenons sur le coronavirus, plus les questions se posent. Nous apprenons pendant que nous naviguons. C'est pourquoi je suis tellement ennuyé par les nombreux commentateurs en marge qui, sans beaucoup de perspicacité, critiquent les scientifiques et les décideurs politiques qui s'efforcent de maîtriser l'épidémie. C'est très injuste.
[...]
Quoi qu'il en soit, je reste un optimiste né. Et maintenant que j'ai fait face à la mort, mes niveaux de tolérance pour les bêtises et les conneries ont diminué encore plus qu'auparavant. Donc, je continue calmement et avec enthousiasme, bien que plus sélectivement qu'avant ma maladie. »
[...]
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
Message: (p531686)
Posté le: 17. Mai 2020, 15:31
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https://www.republicain-lorrain.fr/.....oignants-ont-vecu-l-enfer
"Covid-19 : les soignants ont vécu l'enfer"
Citation: | Le personnel profite de la baisse du nombre de malades dans le service Covid pour récupérer après avoir vécu ce que tous décrivent comme un « terrible combat. » Contre la maladie, contre eux-mêmes. Médecins et personnels soignants ont surmonté les difficultés et ont fait face « à la déferlante de malades et de cas graves » arrivant « de partout. » « On ne ressort pas indemne d’une telle chose, et on ne voit plus le métier de la même manière », livre un médecin. Cette épreuve a transformé les hommes. Récit au cœur d’un hôpital bouleversé par le coronavirus.
[...]
« l’habitude d’avoir des décès mais là, c’est tellement rapproché. Ça fait flipper ! Faut imaginer notre état d’esprit… On voit arriver quelques patients conscients, ils sont ensuite sous sédatifs pour pouvoir les manipuler. On s’attache forcément, ce sont nos patients ! À un moment donné, il n’y a plus de discussion possible avec eux mais on échange avec leurs familles. Et en voir partir dans ces conditions, seuls… Ça nous bouleverse. » Cette charge mentale est « terrible à porter. On se met à la place de ces personnes qui ne peuvent pas revoir leurs proches. Les familles comprennent que ce n’est pas notre faute. Mais c’est choquant. » |
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
Message:
Posté le: 31. Mai 2020, 13:15
Merci. Ce message m'a été utile ! ont dit : shannon, Beate
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Nous avons maintenant envie de chasser à coup de chasse-mouche tous les messages négatifs, de tuer le messager porteur de mauvaises nouvelles...
Plus du tout envie d'entendre parler de virus, de morts, d'hôpitaux.
Plus envie d'avoir peur. Plus envie de penser à la peur. Plus envie.
On zappe tout ça.
Fin de cette pression horrible, cette chape de plomb.
Tous envie d'aller boire notre café, ENFIN, en terrasse.
J'ai déjà prévu d'y aller dès mardi.
Mais ...
https://www.newstatesman.com/politics/health/2020/05/peak
en anglais, "The peak", "Le pic", ce récit très détaillé (tiré de l'expérience d'un médecin réanimateur), se place lors de la journée du pic des admissions....
Citation: | À chaque lit, il vérifie la date des symptômes du patient. La date de l'intubation. Sont-ils sous antibiotiques? Devraient-ils l'être? Existe-t-il une infection bactérienne secondaire pour laquelle les antibiotiques pourraient aider? Ou est-ce juste ce à quoi ressemble Covid-19? Dans ce cas - les antibiotiques seront-ils inutiles et même nocifs? Et quels antibiotiques? Ou pourrait-il y avoir une infection fongique secondaire? Personne ne connaît les réponses à aucune de ces questions.
Doit-il fluidifier le sang? On parle beaucoup de taux élevés de caillots sanguins se formant dans les jambes et se brisant vers les poumons - mais qu'en est-il des risques de saignement, en particulier dans le cerveau? Le ventilateur est-il réglé de manière optimale? Doit-il alléger la sédation et leur permettre de «respirer» et d'interagir avec le ventilateur ou cela va-t-il perpétuer l'inflammation et aggraver les choses? Ou devrait-il les garder profondément sous sédation et entièrement ventilés, ce qui signifie qu'ils seront tellement plus faibles et délirants à cause de tous les sédatifs - et est-ce pire? Personne ne connaît non plus les réponses à ces questions.
[...]
Normalement, l'un de ces appels serait une épreuve psychologique pour tout médecin. Jim Down est expérimenté, bien sûr, mais rien ne vous prépare vraiment à parler à quelqu'un de la proximité de la mort de sa mère, de son père, de son fils, de sa fille, de sa sœur, de son frère. Ce soir, il a quatre appels à faire. Trois maintenant. Un plus tard. Il est soulagé que l'appel à Jo soit dans la matinée - vers 6 heures du matin - après avoir de nouveau vérifié David. Il respire. Il se réjouit au moins d'avoir pu quitter l'EPI [équipement de protection individuelle]. Il s'efforce consciemment de tenir compte de l'importance de chaque mot qu'il dit pour la personne avec qui il parlera. Chaque appel doit prendre le temps qu'il faut. Mais il n'a pas le temps. Plus de patients sont admis.
[...]
Il décroche le téléphone et écoute une fille pleurer pour sa mère. Elle veut tellement venir pour voir sa maman, elle s'en fiche si elle l'attrape. Le deuxième appel est à l'étranger. Il peut entendre l'agonie dans la voix du fils - les auto-récriminations: il aurait dû rentrer à Noël, mais il ne savait pas, il ne savait pas. Au troisième appel, il doit dire à une jeune femme que son père se détériore; que le pronostic n'est pas bon; qu'à 77 ans, il est probable que les machines torturent son père; que le retour en arrière est très difficile maintenant. Il doit être honnête - il dit qu'il n'y a que très peu de chances que son père réussisse. Elle lui demande ce qu'il peut faire? Y a-t-il quelque chose - quoi que ce soit au monde - qui puisse sauver son père? Il n'a aucune idée de la façon de répondre à sa question, sauf par une promesse: je ferai tout, dit-il, tout ce que je ferais pour mon propre père.
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A lire, dans la même veine ""Cet homme sait qu'il meurt aussi sûrement que moi":
https://www.theguardian.com/books/2.....ive-care?CMP=share_btn_tw
Citation: | En EPI, tout est collant et étouffant. Les voix sont étouffées et les sourires obscurcis. La sueur commence à couler dans vos sous-vêtements. Même la respiration demande plus d'efforts. Derrière nos masques, nous nous efforçons de nous entendre et sommes contraints de deviner les expressions de nos collègues. Être protégé, c'est être déshumanisé.
Entrant dans l'antichambre de la pièce voisine de Winston, je suis consterné de découvrir que ses fils sont ici. Quelqu'un les a aidés à se protéger, mais je peux voir qu'un masque est à l'envers et que les deux hommes ont l'air mous et désorientés. «Nous ne savons pas jusqu'où nous sommes autorisés à nous rapprocher de lui», explique l'un d'eux. "Pouvez-vous nous dire combien de temps il a?" demande l'autre, d'une voix durcie par la peur.
[...]
les débats sans fin, ésotériques et désorientants sur la question de savoir si l'aplatissement ou l'écrasement de la courbe est plus souhaitable - arrivent, en fin de compte, précisément à ce point, ce moment de froide simplicité. À six pieds de là, un père, un homme sur lequel je n'ai pas encore posé les yeux, meurt d'une maladie nommée il y a seulement un mois.
[...]
Plus tard, lorsque Winston a tous les médicaments dont il a besoin et a finalement perdu ce regard d'horreur non déguisé, ses fils et moi conversons à voix basse. J'explique que oui, le temps presse, oui, il en est probablement à ses dernières heures de vie. Soudain, Michael intervient, sa voix abrasive. "Je ne veux pas qu'il soit une statistique." Il sait très bien - chacun de nous dans la salle le sait - que le bilan de demain et sa dissection télévisée incluront, selon toute vraisemblance, son père. Je vois à travers ses yeux l'affront colossal pour quelqu'un que vous aimez - de tout ce que votre bien-aimé a été et signifiait pour le monde - se réduisant à une part numérique dans les gros titres de demain. "Il n'est pas une statistique », répète Michael. Puis il fait une pause. Et dans la morosité et la tendresse des quatre prochains mots, je pense comprendre pour la première fois le véritable coût d'une pandémie. "Il est mon meilleur ami." |
Hier, j'ai fait quelques courses.
Pratiquement aucun client n'était masqué.
Je ne sais pas si, au moins, ils avaient respecté les autres gestes barrières.
Et moi, avec tous mes facteurs de risque, je ne veux pas non plus être une statistique à cause de l'indifférence ou l'inconscience de quelques-uns.
Je croise leurs regards de non-masqués pour une masquée à risques, risques visibles.
Je les interprète, ces regards.
Et (effet collatéral du virus ?) à ce moment-là, je l'avoue, je me fous des libertés des autres, de mes grands principes de liberté auxquels je crois d'une façon pourtant quasi-atavique, et je revendique d'un grand cri intérieur la mienne, ma liberté, ma liberté seulement, de ne pas devoir me confiner totalement, de m'enfermer à cause d'eux.
C'est très vrai, ce que dit une affiche virale sur le net, je cite approximativement :
"Le déconfinement, ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de virus en circulation : ça veut simplement dire qu'il y a de la place pour vous en réanimation".
Ou plutôt, il y a de la place pour moi, si jamais... |
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Beate
Inscrit le: 10.10.00 Messages: 50378Carcinome papillaire... 60+ |
Message: (p533716)
Posté le: 14. Juin 2020, 17:47
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Pour les personnes qui ont été atteintes par le Covid-19 et qui voudraient témoigner, afin de contribuer à améliorer la connaissance de cette maladie, un site :
https://moncovid19.fr/
Il s'agit d'une plateforme coopérative.
Les détails sont expliqués ici : https://moncovid19.fr/notice-dinformation-moncovid19-fr/
Les données :
- seront destinées à améliorer les connaissances et la prise en charge des patients du covid19,
- devront présenter un intérêt public au sens des dispositions légales et règlementaires en vigueur,
- seront conduites par des chercheurs ayant respectés préalablement les formalités applicables devant les autorités, et en particulier la CNIL,
- seront validées par le Comité scientifique de la plateforme moncovid19.fr
Plus il y aura de contributions, mieux on connaitra tous les aspects de cette maladie. |
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Arnoux |
Message: (p533912)
Posté le: 17. Juin 2020, 07:31
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bonjour , je voulais remercier ceux qui ont fait de témoignage ! et vous dire force a vous et soyez toujours prudent |
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shannon
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Message: (p534452)
Posté le: 25. Juin 2020, 02:29
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vraiment,continuez à porter un masque et à vous laver très souvent les mains;
Comme en France les tests ne sont pratiqués que sur les gens présentant des symptômes le virus circule tranquille chez les asymptomatiques.Sans compter ceux testés positifs qui ne sont pas isolés.
les séquelles du covid19 sont difficiles,et on ne le dit pas encore.
J'ai une amie qui récupère très mal;il n'y a plus la difficulté respiratoire mais la toux incessante persiste
toujours sous antibiotiques,et cortisone.....
épuisement total sur des mois et des mois.....
vraiment prenez soin de vous
et des autres du coup _________________ Vivre avec des-espoirs |
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
Message: (p535496)
Posté le: 11. Juil 2020, 17:45
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Citation: | «Je ne pouvais rien faire»: le virus et le suicide d'un médecin urgentiste
Le Dr Lorna Breen était imperturbable - jusqu'à ce qu'elle affronte un nouvel ennemi.
[...]
Le Dr Breen a travaillé à l'hôpital Allen de New York-Presbyterian dans l'Upper Manhattan, où elle supervisait les urgences. L'unité était devenue un champ de bataille brutal, les fournitures s'épuisant à un rythme affligeant et les médecins et les infirmières tombant malades. La salle d'attente était perpétuellement surpeuplée. Les malades mouraient inaperçus.
[...]
Pour l'amie du Dr Breen, Mme Ochoa, leur dernière conversation est devenue particulièrement écrasante. À un moment donné, le Dr Breen était resté coincé sur une idée et ne cessait de se répéter.
Mme Ochoa n'y avait pas réfléchi profondément à l'époque, mais maintenant elle ne peut pas arrêter d'entendre ce même refrain implacable: « Je ne pouvais aider personne. Je ne pouvais rien faire. Je voulais juste aider les gens et je ne pouvais rien faire. » |
https://www.nytimes.com/2020/07/11/.....-suicide-coronavirus.html
... une triste histoire de santé physique et mentale, de charge mentale aussi, d'un soignant submergé par la crise... Faut-il leur apprendre pendant leurs études à être des roseaux plutôt que des chênes, tolérer leurs failles et limites sans que cela ne nuise à leur carrière ? |
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bobette
Inscrit le: 22.03.09 Messages: 4480Hypothyroïdie auto i... France - Lorraine sud-est 60+ |
Message:
Posté le: 18. Juil 2020, 01:12
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Encore un témoignage de médecin, en anglais.
Poignant et inquiétant (sous plus d'un angle !), pour ce qui est de l'effet de la crise sur les soignants...
"The New Stability" ; "La nouvelle stabilité"
Citation: | Qu'y at-il à dire? Vous êtes mort, comme tant d'autres, et le reste d'entre nous doit vivre en l'absence de toute certitude. Nous ne pouvons pas continuer, et nous continuons: retour au travail, retour aux tournées, retour au prochain cas à venir. Il ne sert à rien de penser à l'avenir, à notre formation ou à ce qui se passera ensuite. Nous assistons tous maintenant à une souffrance historique et mondiale, et apprenons la limite du chagrin que notre cœur peut supporter. |
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2016293
A naviguer sur les comptes personnels de certains médecins de première ligne, j'ai le sentiment que tous les soignants et équipes hospitalières de première ligne sont en état de choc.
Sans toujours s'en rendre compte.
Ils auraient tous besoin d'une aide psy, spécialisée...dans les chocs traumatiques ? en médecine de guerre ?
Sinon il va y avoir des dégâts un jour ou l'autre, à plus ou moins longue échéance.
Tout à coup certains cerveaux vont exploser, certaines mains vont s'arrêter subitement, je ne sais trop comment ni quand cela se traduira... |
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shannon
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Message: (p535722)
Posté le: 19. Juil 2020, 01:21
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dans la population générale,beaucoup de suicides,surtout chez les personnes non pas âgées spécialement,mais isolées
consultations psy surbookées
oui cette crise a été et est très déstabilisante et corrosive psychiquement aussi.
l'Humain a été blessé. _________________ Vivre avec des-espoirs |
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ki
Inscrit le: 09.03.18 Messages: 3448Basedow - Thyroïdect... Bordeaux |
Message: (p540584)
Posté le: 11. Jan 2021, 22:12
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Citation: | Je suis un virus
Il est difficile de se mettre dans la tête des virus : ils sont les plus éloignés de nous dans la généalogie du vivant et n’ont pas de tête. Néanmoins, ils répondent comme nous à la première loi de l’évolution : se reproduire et diffuser. Sur ces deux points, nous sommes experts parmi les vertébrés, ils le sont parmi les microorganismes. Notre supériorité est l’autonomie reproductrice, alors qu’eux dépendent d’un hôte pour se reproduire. L’évolution a compensé ce handicap majeur des virus par de multiples avantages patiemment sélectionnés, comme s’ils avaient finalement une « petite tête » dans laquelle je vais tenter de m’immiscer.
Je suis un virus. Mon hôte est tout pour moi : transport, nid, garde-manger, diffusion de ma progéniture. Je dois le chérir, le respecter, voire l’assister ou le protéger de mes méchants concurrents. Ma réussite est totale lorsque mon hôte arrive à ignorer ma présence. Je dois bien choisir l’espèce à coloniser, certaines m’éliminent vite, d’autres comptent trop peu d’individus – les ours blancs risquent d’être une impasse pour ma progéniture. La virulence est la pire des stratégies, car la mort de l’hôte signe la mienne. Je peux me permettre d’être virulent avec les bactéries, car elles se reproduisent souvent avant que je les tue. L’idéal est de coloniser plusieurs espèces, mais c’est ardu. Je sais utiliser les comportements de mon hôte au profit de ma diffusion. Les copulations des mammifères sont un excellent passeport d’un individu à l’autre. Le sang peut être utilisé chez les animaux qui se mordent, ou la peau chez ceux qui s’entassent dans la même niche.
Homo sapiens est le diffuseur idéal : des milliards d’individus qui se frottent à toutes les espèces et se mélangent de mille façons. Chez lui, je dois éviter les symptômes trop visibles qui le conduisent à se réfugier au fond d’un lit, gênant ainsi ma diffusion. Il a aussi ajouté des armes techniques à son armada immunitaire. Je dois alors savoir profiter des symptômes que j’ai parfois provoqué, malgré moi. La toux a longtemps été ma meilleure alliée pour passer d’un homme à l’autre. Mais maintenant qu’ils sont très nombreux et ne cessent de bouger, leur peau et leur respiration suffisent à garantir mon avenir sur toute la planète. Hélas, la discrétion devient difficile, car ils sont de plus en plus vigilants. J’ai beau sélectionner les moins virulents de ma progéniture, épargner leurs embryons et leurs enfants, les hommes cherchent maintenant à me détecter même quand ils n’ont pas de symptômes. Ils ont désormais des comportements imprévisibles, comme cesser de bouger, de se réunir, de se toucher ou de parler, jusqu’à bouleverser dangereusement leur écologie comportementale.
J’ai déjà commencé à sélectionner mes descendants les plus contagieux et ceux qui peuvent échapper à leurs tests. Mais la route sera longue, car les hommes vont jusqu’à accuser injustement ceux d’entre mes frères qui se sont malheureusement fourvoyés chez un mourant ou un hôte sans avenir.
https://www.lemonde.fr/blog/experti.....author/expertiseclinique/ |
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