Beate
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Message: (p6304)
Posté le: 24. Aoû 2004, 07:19
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Bonjour Hélène !
Je comprends que tu sois découragée - c'est souvent très dur de vivre l'handicap au quotidien, et l'hyperactivité et le déficit d'attention, quand c'est un cas sévère, sont un véritable handicap ! Et ces troubles du comportement affectent toute la famille - chez nous, à un moment, cela a même menacé l'intégrité de notre couple, car la "guerre" quotidienne à livrer à notre fille pour la moindre petite chose (les devoirs, les repas, accepter les règles ...) était vraiment usante ! Et on est souvent très seuls, car quand on a un enfant catalogué comme "difficile", du genre "tornade" qui casse tout ce qu'il touche, pique des crises de colère effroyable à la moindre occasion etc, on est souvent très isolé socialement ! Personne ne nous invite, ou alors "sans les enfants", les courses au supermarché sont un calvaire, on est souvent convoqué à l'école à cause des "bêtises" de notre enfant, qui n'a aucun ami et n'est jamais invité nulle part, on n'ose plus sortir en famille de peur d'être regardé de travers, on dévine les commentaires du genre "qu'est-ce qu'il est mal élevé, cet enfant ! Ils n'ont qu'à lui donner une bonne fessée !" etc ...
Ceux qui n'ont pas été confrontés à ce problème ont du mal à comprendre par où on passe : ces enfants n'acceptent pas la frustration et agissent uniquement selon l'impulsion du moment (ils n'y peuvent rien, ils ne font pas "exprès", c'est l'immaturité de leur cerveau qui fait ça !), mais qu'ils ont pourtant besoin qu'on leur dicte des règles, bien plus strictes que pour un enfant "normal", car sans cadre bien structuré, ils sont perdus, puisqu'ils n'ont pas de "self-control". Et c'est une lutte de tous les instants, car dès qu'on "lâche", c'est perdu ! Il faut sans arrêt repéter les mêmes choses, les mêmes interdits, surveiller sans cesse ... (je me rappèle que ma mère disait qu'on finissait par se transformer en "caporal-chef" - et pourtant, j'ai horreur de ça !) Et un parent n'est pas "infaillible", notre patience a des limites, nous aussi, nous sommes parfois fatigués, nous avons envie de "lâcher prise", de ne pas rabâcher sans arrêt les mêmes choses - mais dès qu'on relâche l'attention un tout petit moment, tout est à refaire !
Le pire, c'est qu'au début des véritables problèmes avec notre fille, à partir de l'âge de 4 ans, le diagnostic n'a pas été posé tout de suite : moi, je supposais l'hyperactivité dès le début, d'ailleurs quand je lisais un questionnaire là-dessus, je pouvais répondre "oui" à toutes les questions, mais il y a 15 ans, c'était moins connu que maintenant ! L'école nous a adressés à un "centre médico-psycho-pédagogique", où le psychologue en chef n'a vu notre fille qu'une petite demi-heure et a décreté que tout cela, c'était la faute à un "problème relationnel" et qu'il suffisait qu'il nous voie, NOUS, ses parents - nous avons passé de longs mois à nous y rendre patiemment, à chercher ce qui ne tournait pas rond chez nous, où pouvait bien se situer le problème "mère-enfant" dont il parlait ... c'était très déstabilisant ! Même quand, à l'intérieur de nous, nous SAVONS que ce n'est pas vrai et que ce n'est pas "notre faute", ce genre de discours finit par semer le doûte ! Il nous disait que notre fille souffrait d'un "refus" de notre part (elle avait p.ex. des angoisses terribles, des cauchemars genre "terreur nocturne", elle n'a pas fait ses nuits avant l'âge de 7 ans et ne supportait pas de rester seule dans une pièce), nous demandait si on l'avait un jour abandonné quelque part - et quand nous disions que non, il disait qu'on avait sans doûte dû "s'en détourner intérieurement" ! C'était vraiment très dur à entendre ! Et nous avons vraiment cherché tout au fond de nous-mêmes, pour voir s'il n'y avait pas un problème - mais non ! Je pense que ce psy s'était d'emblée mis une idée dans la tête, du genre "ils ont 3 filles, très rapprochées en plus, donc la troisième était peut-être un "accident", et de toute façon, ils voulaient certainement un garçon", ou quelque chose de ce genre (ce qui est totalement faux, j'ai toujours été ravie de mon "trio", et j'ai toujours voulu avoir TROIS enfants et ai fait exprès de les avoir si rapprochées pour qu'elles s'élèvent "ensemble", même si c'était dur pour moi au début - mais cela a bien réussi, elles ont eu une belle enfance et sont toujours (à 18, 17 et 15 1/2) très complices !) Et cette accusation de "rejeter notre fille" nous a beaucoup déstabilisés - du coup, on ne savait plus comment la prendre, on n'osait plus être trop sévères avec elle, de peur qu'elle se sente rejetée - alors que justement, ces enfants-là ont besoin de règles très strictes, d'interdits bien posés et "toujours les mêmes", ils supportent très mal le changement (un jour on dit oui, le lendemain non) ! Ces années-là ont été vraiment dures à vivre, pour toute la famille !
Quand elle avait 6 ans, était au CP et y rencontrait d'énormes problèmes (mais la maternelle n'avait pas voulu la garder un an de plus, ils étaient trop contents de se débarrasser enfin de cette gamine turbulente), nous avons enfin trouvé le courage de nous "révolter" contre ce psy et ce centre CMPP (il en existe de très sérieux, mais celui-là, dans notre village, a apparemment très mauvaise réputation - malheureusement, nous ne le savions pas, et comme c'était un organisme "officiel" où l'école nous envoyait, on faisait confiance !). J'ai demandé conseil à mon pédiatre, qui nous a adressés à un collègue neurologue, qui lui a fait passer des examens (chaque fois que j'avais posé la question au psy, il disait "mais non, elle n'a pas besoin d'examens, vous vous faites des idées ! Elle n'est pas malade, c'est juste un problème dans la relation mère-enfant !"). Et après l'électro-encéphalogramme, nous avons appris que non seulement elle était hyperactive (OUF ! Enfin un diagnostic, ce n'était donc pas "notre faute" !), mais avait également une légère forme d'épilepsie ("absences", ou "petit mal") !! Donc, ensuite, il y a enfin eu un suivi sérieux : psychomotricité plusieurs fois par semaine (pourtant, dans le CMPP, il y avait une psychomotricienne, mais Amélie ne l'avait JAMAIS vue et n'avait jamais fait les bilans - résultat, elle a perdu deux ans, à sa rentrée au CP elle avait d'énormes problèmes de motricité, elle ne savait même pas tenir un crayon ...), médicament anti-épileptique ...
Et puis, elle a aussi pris cette fameuse RITALINE. Et cela l'a "sauvée" ! Quand un enfant a vraiment BESOIN de ce genre de médicament, je pense qu'il ne faut pas en avoir peur ! D'ailleurs, c'est une amphétamine, donc un "stimulant", et on voit très vite si un enfant en a besoin ou pas : chez quelqu'un de "normal", sans hyperactivité, cela serait un excitant, mais dans le cas d'un hyperactif, paradoxalement, cela le calme ! En fait, le problème vient d'une différence entre la vitesse de fonctionnement de deux parties du cerveau - l'une est plus rapide que l'autre, et donc les "commandes" passent mal. Quand on essaie de calmer le malade (p.ex. pour pouvoir enfin dormir au moins une seule nuit sans interruption ...) avec un CALMANT, cela ralentit la partie qui est déjà trop lente, et les choses sont pires (j'ai essayé une seule fois de donner un sirop calmant à ma fille : elle a été un "zombie" toute la journée du lendemain, j'ai énormement culpabilisé !). Et, paradoxalement, quand on donne la Ritaline, donc un excitant, cela accelère juste un petit peu la partie trop lente du cerveau, pour la mettre à la même vitesse que le reste - et même si le trouble ne disparait pas totalement, il s'attenue !
Notre fille a pris la Ritaline pendant plus de 5 ans, et cela a sauvé sa scolarité (l'école voulait déjà l'expédier dans une classe spéciale d'intégration, alors qu'elle n'avait pas de véritable déficience intellectuelle, juste un défaut de maturité) - et surtout, cela a sauvé notre fille, car avant le diagnostic, à 6 ans, elle commençait à s'enfoncer dans une véritable dépression ! Etre tout le temps en échec, ne jamais réussir à faire comme les autres, se faire rejeter par les autres enfants, se faire critiquer sans cesse, n'avoir la confiance de personne ("non, ne touche pas ça, tu vas le casser !"), être la cause de disputes entre les parents (l'un qui veut "punir" et accuse l'autre de ne pas être suffisamment sévère, l'autre qui essaie d'expliquer que ce n'est pas "exprès" et qu'il faut de la rigueur, mais aussi beaucoup d'amour ...)
La Ritaline, à moi aussi ça faisait peur, mais sans cela, une scolarité normale n'aurait pas été possible, Amélie "grimpait aux murs" à longueur de journée, ne pouvait pas se concentrer plus que quelques minutes, ne contrôlait pas ses mouvements ... L'effet de ce médicament était d'ailleurs stupéfiant : dès qu'elle le prenait (matin et midi, uniquement les jours de classe, pas le weekend ni les vacances), cela lui enlevait totalement cette "bougeotte", elle restait immobile (chose qu'on ne connaissait pas) ! On aurait pu croire qu'elle était "endormie", mais non ! Elle restait assise, à écouter l'institutrice, à écrire etc, sans être sans arrêt dérangée par tout ce qui se passait autour, sans réagir au moindre bruit, sans sauter partout ... A l'école, un jour, on lui a d'ailleurs fait faire le MEME devoir une fois sous Ritaline et une fois sans - on ne croirait jamais que c'est le MEME enfant qui l'a fait, sans Ritaline c'était un gribouillis totalement illisible et elle avait arrêté après 3 ou 4 lignes, découragée, alors que sous Ritaline, elle avait pu terminer son travail tout à fait normalement, pas aussi beau que les autres, mais au moins "acceptable" !
Donc, avec la Ritaline, elle a pu faire une scolarité tout à fait normale dans l'école primaire (en redoublant juste son CP, car le retard accumulé était trop important) - et à partir de 9 ans, nous avons commencé à réduire les doses, et à 10 ans, elle n'en a plus eu besoin ! Elle a maintenant 15 ans, elle entre en classe de 3ème, et même si ce n'est pas une élève particulièrement douée (elle a beaucoup de mal avec tout ce qui est "abstrait" et n'arrive pas bien à retenir les choses qui ne l'intéressent pas), elle suit une scolarité tout à fait normale et est bien intégrée ! Il y a encore de petits heurts de temps en temps (maintenant que ce problème-là est enfin fini, ce sont les problèmes d'adolescence qui arrivent ... on n'est pas sortis de l'auberge !), mais par rapport à ce que nous avons vécu, à ces années de galère, ce n'est vraiment "rien" ! Apparemment, en murissant, ce problème dans son cerveau s'est arrangé tout seul, du moins en grande partie (la partie trop lente a fini par prendre la même vitesse que le reste).
Donc, ne te laisse pas décourager ! Et il faut te battre, non pas "contre" tes enfants, mais AVEC EUX ! Imagine un peu comment c'est difficile pour eux, ils ont le monde entier contre eux - alors il leur faut au moins leur maman qui soit de leur côté ! Je sais qu'on est tellement épuisé par cette lutte incessante, pour la moindre petite chose, à repeter sans arrêt les mêmes consignes (du genre "se brosser les dents, mettre les pantoufles, fermer la porte du frigo" ...) non pas 10 ou 20, mais 100 ou 1000 fois, sans succès, qu'on finit par s'énerver, par leur crier dessus, par les bousculer - et il nous arrive de dire des choses qu'on regrette ensuite, à les traiter de "stupides", à leur dire qu'ils n'arriveront jamais à rien ... et c'est terrible pour eux, car déjà au fond d'eux-mêmes, ils se sentent stupides, alors que si on le leur repète sans arrêt, ils se découragent totalement ! Il faut de la rigueur, énormement, mais aussi de l'amour, de la compréhension, leur montrer qu'on les aime, même s'ils font des bêtises, qu'on sait qu'ils ne font pas "exprès", que c'est juste leur maladie qui fait ça (même s'il faut bien leur expliquer que ce n'est pas une "excuse" et qu'il faut faire des efforts quand-même !)
OUF, quel long message ! Mais ton mot m'a rappelé plein de souvenirs ... Parfois, il y a des émissions sur l'hyperactivité à la télé - maintenant, on les regarde parfois avec ma fille, et elle a beaucoup de compassion pour les enfants qu'on montre, elle dit "tu te rappèles, maman, quand j'étais comme ça ?" - maintenant, quand elle fait encore (parfois) des bêtises, on arrive à en rire ! Je me rappèle que dans ce genre d'émission, une fois, un garçon disait "quand je prends la Ritaline, ça enlève le brouillard dans ma tête", et ma fille me dit que pour elle, c'était à peu près pareil.
Je sais qu'aux Etats-Unis (au Canada aussi, peut-être ?), on a tendance à donner la Ritaline un peu trop rapidement, dès qu'un enfant est un peu "nerveux", ce qui est très mauvais (ici, il fallait vraiment faire plein d'examens, avoir l'accord du neurologue chef du service de pédiatrie, faire un bilan psy, psychomoteur et orthophoniste tous les ans ...) - et c'est un peu pour cela que cette "drogue" a si mauvaise réputation ! Mais quand un enfant en a vraiment besoin, il ne faut pas trop hésiter - chez nous, cela a vraiment changé la vie, non seulement de notre fille (en lui permettant une scolarité normale, alors qu'elle avait déjà été rejetée par plusieurs écoles), mais de toute la famille !
Voilà, j'arrête là, c'est déjà bien trop long, et il y aurait tellement de choses à dire ! Je pense qu'il serait bien, pour toi et pour tes enfants, d'entrer en relation avec d'autres familles concernées - parmi les adresses que je t'ai citées dans mon autre message, plusieurs sont au Québec, il existe certainement des associations de parents, des groupes de parole, peut-être des forums ? Car c'est très important de ne pas se sentir seuls, de pouvoir échanger, de voir comment font les autres familles confontrées à ce problème ...
Encore quelques liens :
Forum : http://www.atoute.org/dcforum/DCForumID8/176.html
Site fait par une maman : http://carla7.chez.tiscali.fr/
Autre site fait par une maman : http://users.pandora.be/scarlett/ (TRES complet !!)
Groupe de discussion créé par un psy lui-même atteint du trouble d'attention : http://fr.groups.yahoo.com/group/EtSiOnDecodaitLeTDAH/
Bon courage !
Beate
PS : je sors cette discussion de la rubrique "Cancer" pour la mettre dans "autres maladies", car même si cette maladie a parfois un rapport avec l'hypothyroïdie de la mère pendant la grossesse, la discussion sur l'hyperactivité ne concerne plus vraiment le sujet "cancer" ! |
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