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Beate
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Posté le: 29. Aoû 2013, 14:53
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Bonjour,
Quand UN journal commence à parler d’un sujet, tous les autres lui emboitent le pas (un peu comme pour la « pénurie du Levothyrox » de ces dernières semaines) … et décidemment, on parle beaucoup "thyroide" dans les médias, ces temps-ci !
Hier, le British Journal of Medicine a publié un article sur une étude américaine, qui dit que l’imagerie moderne (échographie, CT etc) « alimente une épidémie de diagnostics et de traitements de cancers de la thyroïde qui n’auraient pas progressé jusqu’aux symptômes et au décès »
BMJ : « Cancer de la thyroïde : une imagerie zélée a augmenté la détection et le traitement de tumeurs à bas risque »
Le journaliste Jean-Daniel Flaysakier a repris cet article sur son blog, également hier : http://www.docteurjd.com/?p=2915
Nous en avons parlé hier : : ARTICLE : Thyroïde, opère-t-on trop de 'petits' cancers ?
Or, aujourd’hui, on est noyés d’articles sur ce même sujet, avec parfois des raccourcis un peu hâtifs, « ALERTE », « trop d’opérations inutiles », « LES cancers de la thyroïde surdiagnostiqués et surtraités » …
Metronews : Cancer de la thyroïde : des experts alertent sur les risques de surtraitement
Quotidien du Médecin : Cancers de la thyroïde, alerte d’experts sur les diagnostics excessifs
Doctissimo : Les cancers de la thyroïde surdiagnostiqués et surtraités
BFMTV : Cancer thyroide, mise en garde contre le surtraitement
SanteLog : Cancer de la thyroide, alerte au surdiagnostic et au surtraitement
PsychoMedia : Le cancer de la thyroïde est sur-diagnostiqué et sur-traité
Santé Magazine : Cancers de la thyroïde, trop d’interventions inutiles
De quoi angoisser les patients … ceux qui ont une opération programmée, et qui ne savent plus si c’est vraiment nécessaire ou s’ils doivent tout annuler … et ceux qui ONT déjà été opérés, que ce soit pour des nodules qui, finalement, se sont avérés bénins, ou pour un « petit » cancer, et qui se demandent maintenant si on ne les a pas opérés « pour rien » …
En titrant « trop d’interventions inutiles », « LE cancer surdiagnostiqué et surtraité », les médias risquent de mettre en question la confiance des patients en leurs médecins … et ce d’autant plus qu’on vient à peine de sortir de plusieurs semaines d’alertes sur la « pénurie du Levothyrox », où les patients avaient encore plus de raisons de se demander si la décision d’opérer et de les obliger à prendre du Levothyrox « à vie » était vraiment la bonne …
Il est vrai qu’il y a beaucoup de thyroidectomies chaque année, certainement trop – et il est scandaleux d’apprendre que certains patients sont opérés sans jamais avoir fait ni échographie ni cytoponction ! Or, l’immense majorité des nodules thyroidiens sont totalement bénins … il est important de vraiment bien faire le tour de la question avant de prendre la décision d’opérer !
La décision « opérer ou non ? » n’est pas simple à prendre, il y a plein de facteurs qui jouent ! A une époque, c’était « le même traitement pour tous » - dès qu’il y avait « cancer » (ou seulement une suspicion de cancer), c’était le branle-bas de combat, thyroidectomie totale, iode radioactif, traitement frénateur … - le mot « cancer » faisait tellement peur qu’on mettait tout à l’œuvre pour tenter de l’éradiquer tout de suite et le plus radicalement possible.
Or, on s’est maintenant rendu compte de ce qu’il n’existe pas UN cancer de la thyroïde, mais plein de variantes … et que pour certains, les formes « indolentes », « occultes », le remède est pire que le mal, les patients se trouvent sans thyroïde, avec un traitement à vie (pas toujours facile á doser) et parfois des séquelles de l’opération et/ou du traitement à l’iode 131, alors qu’en laissant leur petit nodule en place, il n’aurait vraisemblablement jamais bougé …
Il est vrai que certains cancers thyroidiens ne sont PAS agressifs et, même sans opération, ne bougeront vraisemblablement jamais, en tout cas pas assez pour provoquer le moindre problème tout au long de la vie du patient (des études d’autopsie, en Finlande, où on a regardé les thyroïdes de TOUTES les personnes décédées, de vieillesse, de maladie ou d’accident, ont montré que plus de 30% avaient des petits carcinomes papillaires « occultes » … dont ils ne connaissaient même pas l’existence de leur vivant …)
Mais – et c’est là que réside le problème - il existe aussi des formes agressives du cancer de la thyroide – qui, si on ne les opère pas suffisamment tôt, peuvent devenir envahissantes, donner des métastases … et cela même quand elles sont encore assez petites.
Toute la difficulté réside dans le « risk assessment », l’évaluation du risque - il faut comparer le bénéfice attendu (débarrasser le patient d’un cancer qui « pourrait » provoquer des problèmes un jour) et les risques (risque opératoire pour les nerfs récurrents et les parathyroïdes, obligation de prendre un traitement substitutif à vie …)
Le diagnostic s’est beaucoup amélioré ces dernières années – avec l’échographie et la cytoponction, on arrive de mieux en mieux à distinguer nodules bénins et « potentiellement malins ».
A l’avenir, on arrivera certainement à encore mieux faire la différence, non seulement entre « bénins » et « cancéreux », mais aussi entre cancers « agressifs » et « indolents » , grâce aux analyses moléculaires, à la recherche de mutations sur le produit de la cytoponction … il y a actuellement plein de recherche à ce sujet, on en a beaucoup parlé lors du récent congrès mondial du cancer de la thyroïde, à Toronto (
Ce qu’il faut retenir de tous ces articles, c’est qu’il ne faut jamais précipiter les choses … le cancer de la thyroïde est généralement assez lent, on a toujours le temps de bien faire le tour de la question, de prendre plusieurs avis, d’attendre au moins quelques mois (ou même années), de faire plusieurs échographies pour voir s’il y a évolution ou pas …
Et cela non seulement pour les nodules « suspects » … mais même pour certaines petits tumeurs dont la cytoponction a montré qu’il s’agit vraisemblablement d’un cancer papillaire !
Cette stratégie de la « désescalade thérapeutique » ne se voit pas seulement pour le cancer de la thyroïde, on en parle aussi beaucoup pour la prostate, le sein … la « surveillance active » me semble une très bonne option, car ce qui est important, c’est de ne pas laisser les patients « repartir dans la nature » sans aucun suivi, pour être sûr de pouvoir intervenir si jamais on voit que leurs nodules/carcinomes grossissent ou se modifient.
La médecine moderne permet de détecter beaucoup de choses, de faire du dépistage très poussé … « trop », parfois, car en généralisant les examens tels que l’échographie, on découvre énormément de petits nodules qu’autrement, on n’aurait jamais remarqués, et une fois qu’on a trouvé un nodule, cela enclenche presque automatiquement toute une série d’examens pour, souvent, finir par une opération … et parfois par un diagnostic de cancer et toutes les angoisses qu’il déclenche … alors que ces nodules n’auraient peut-être jamais bougé !
Dans Psychomédia, il y avait déjà un article intéressant à ce sujet en 2012 : Le surdiagnostic représente un sérieux problème pour plusieurs maladies
Mais de l’autre côté, il arrive encore – et bien trop souvent – qu’on ne découvre un cancer de la thyroïde qu’à un stade avancé, quand il a déjà quitté la thyroïde, fait des métastases dans les ganglions ou plus loin, et quand il devient difficile ou parfois impossible de s’en débarrasser – alors que, opéré plus tôt, on l’aurait guéri assez facilement. Les décès dûs au cancer de la thyroïde ont baissé – en France, de plus de 400 par an à un peu plus de 300 par an, je crois. Mais ces 300 décès, ce sont toujours 300 de trop – on ne devrait PAS mourir d’un cancer de la thyroïde !
Vaste débat … Inutile sans doute de faire du dépistage « de masse » (alors qu’à partir de la ménopause, une femme sur 2 ou 3 a des nodules !), inutile de se précipiter chez le chirurgien même si un nodule semble un peu suspect, on a toujours le temps de « voir venir », de prendre plusieurs avis, de surveiller l’évolution, on n’est pas á quelques mois près - l’important, c’est de pouvoir discuter avec son médecin, de comparer avec lui tous les « pour » et les « contre » … car il y a plein de facteurs qui jouent, entre autres l’âge du patient, la peur devant le diagnostic « cancer » …
Dans notre foire aux questions, FAQ, nous avons plusieurs articles sur les nodules et sur la question quand opérer et quand surveiller – notamment le référentiel de la Société française d’endocrinologie : Nodules, quand opérer, quand surveiller ?
Au départ, il s’agissait de distinguer surtout entre nodules « bénins » et « cancéreux » (ou suspects de l’être) … maintenant, avec la recherche qui avance, on fera une distinction de plus en plus fine, car il n’y a pas qu’un seul cancer, mais plusieurs, et plusieurs dégrés d’agressivité (ou de non-agressivité) …
L’exercice de la médecine ne devient pas forcément plus simple, avec toutes ces évolutions – ce n’est plus « un traitement pour une maladie », le même pour tous, mais une médecine de plus en plus individualisée, adaptée à chaque patient et à chaque situation !
Pas forcément évident – mais certainement bénéfique pour tous. Car éviter des opérations et des traitements inutiles, c’est positif à la fois pour le patient et aussi pour le système de santé – tout en gardant la possibilité, grâce à un diagnostic non pas « systématique », mais plus ciblé, de les appliquer chaque fois que nécessaire, chez les patients qui ont des formes plus agressives.
Le plus important, c’est le dialogue entre le patient et le médecin (ou LES médecins) !
Bon courage à tous !
Beate
Dernière édition par Beate le 17. Fév 2014, 13:22; édité 1 fois |
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Beate
Inscrit le: 10.10.00 Messages: 50401Carcinome papillaire... 60+ |
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Rapiette |
Message: (p361226)
Posté le: 29. Aoû 2013, 23:44
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Bonsoir !
Beate, je partage ta conclusion sur l'importance du dialogue. J'espère qu'on n'en viendra pas à empêcher quelqu'un de se faire opérer s'il préfère cette solution à l'épée de Damoclès (en l'espèce, c'est plutôt un collier !). Je comprends parfaitement que l'aspect financier soit pris en compte, mais la surveillance aussi coûte cher, sans parler du poids dont elle pèse sur les vies. Une même personne sera susceptible d'avoir plusieurs organes à surveiller de la sorte. C'est la contrepartie inattendue des progrès techniques.
Pour ce qui est de surveiller, comment ? Il n'y a pas beaucoup de radiologues spécialisés, et personnellement j'ai encore récemment constaté à quel point d'un praticien à l'autre l'approche est différente. Le même nodule décrit en termes différents, par exemple, à un an d'intervalle par 2 médecins du même cabinet utilisant le même appareil, alors qu'il n'y a pas de modification notable...
Sais-tu si l'élastographie se répand ? Elle permet de mieux caractériser les nodules (si j'ai bien compris, la dureté est un critère suspect). Et du côté des opérations, à part le robot Da Vinci, sais-tu si on continue à faire des recherches ?
Il me semble qu'il faut prendre garde, surtout, à ne pas vouloir à tout prix loger tout le monde à la même enseigne au nom de la politique de santé du moment.
Bonne nuit !
Rapiette
P.S. A propos de vagues d'articles sur tel ou tel médicament. Aujourd'hui, on a vu des titres sur le retour du Furosémide. Et des commentaires de malades disant qu'il y en a toujours eu. C'est celui de Teva, qui revient après une fausse alerte sur un lot. Tronquer une information précise pour en extraire un titre-choc, c'est non seulement un maque de respect pour les patients concernés mais aussi de la malhonnêteté intellectuelle. |
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Beate
Inscrit le: 10.10.00 Messages: 50401Carcinome papillaire... 60+ |
Message: (p361321)
Posté le: 30. Aoû 2013, 21:11
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Bonjour,
mercredi, il y aura une (petite) émission sur France Info, dans la rubrique "Info Santé", qui parlera de cette question du surdiagnostic - la journaliste, Caroline Tourbe, m'a appelée aujourd'hui et nous avons discuté très longuement, et échangé plusieurs mails !
Bon, l'émission ne dure que 3 minutes, ce sera difficile de rentrer dans les détails ! Il y en aura peut-être d'autres, plus longues, par la suite, car c'est un sujet assez vaste !
Lien vers la radio (on pourra écouter en direct, mardi 4 septembre à 10h55, ou alors ultérieurement en cliquant sur le nom de la journaliste) :
http://www.franceinfo.fr/info-sante-new
(l'émission a lieu tous les jours, contrairement à ce que dit le titre - le lundi et le mardi, c'est l'autre journaliste)
Beate |
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FFrancoise Inscrit le: 28.08.13 Messages: 303Cancer papillaire Varsovie, Pologne |
Message: (p361327)
Posté le: 31. Aoû 2013, 06:28
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Bonjour !
Très intéressant ! Je suivrai tout ça.
Comme quoi, souvent "trop est l'ennemi du bien". Bien sûr, le mot cancer fait peur et donc en cas du moindre doute, le medecin préfère ne rien laisser au hasard. Je ne regrette pas de m'être débarrassée de mon microcancer car continuer tout en sachant que j'ai en moi un cancer aurait été invivable, et je pense qu'au moins 99,99% des gens sur ce forum sont du même avis concernant leur cancer.
Par contre, il est clair que notamment le suivi est peut-être un peu "too much", mon cas (pour ne parler que de ce que je connais) avec multiplication de contrôles - coûteux - inutiles. Malheureusement le facteur fric entre pour beaucoup là-dedans; les examens sont facturés soit aux organismes de sécurité sociale ou Etat (selon organisation dans le pays) soit aux assurances privées. Et donc tous ces examens s'ils ne sont pas nécessaires aux malades le sont aux médecins et hôpitaux qui se remplissent les poches. On ne peut y échapper puisque l'argent est incontournable mais il conviendrait d'"éduquer" le corps médical pour qu'il délaisse un peu cette obcession du seul profit pour s'intéresser davantage aux malades. Quand je vois par ex toutes ces scintigraphies automatiques régulières, avec prises d'iode, (j'en ai eu une donc l'an dernier, nickel et je suis supposée en refaire une l'an prochain...) mobilisant tant de personnel sur une durée de 3 jours, je me dis que l'hôpital gagne un fric fou. Je sais, c'est un voeu pieux mais je sais qu'il y a encore quelques médecins avec déontologie et c'est par eux que j'aimerais me faire suivre.
Evidemment cela ne concerne pas uniquement le cancer de la thyro mais tout puisque la médecine est un vrai business (même dans le secteur public) et c'est ça la cause de la surmédicalisation et de tous ces examens non indispensables. C'est abject mais c'est ainsi, certains s'en foutent plein les poches au détriment des malades. On peut dénoncer mais malheureusement cela ne changera pas...
Bon week-end à tout le monde ! |
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Ninal |
Message: (p361697)
Posté le: 04. Sep 2013, 16:02
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Citation: | " Le plus important, c’est le dialogue entre le patient et le médecin (ou LES médecins) ! " |
Logique ! mais le dialogue est impossible si le patient n'est pas correctement informé et/ou le médecin est incapable d'expliquer...
Que sait-on du cancer ?
Que sait-on de la thyroïde ?
Un simple exemple vécu et toujours non résolu :
J'ai développé des tendinopathies aux chevilles , poignets et fesses après la TT. Y a t-il un lien avec l'hypo sévère dans laquelle j'ai sombré après l'opération ? pas encore médicalement prouvé sauf pour le canal carpien ( m'ont dit la dizaine de doc consultés). Je n'avais jamais eu de tendinites avant la TT.
Bref, il reste encore beaucoup à découvrir avant de maîtriser le traitement du cancer de la thyroïde. Et il faudra du temps pour que les doc formatés à l'ancienne acceptent de revoir leurs fausses certitudes au sujet des pathologies thyroïdiennes ( à voir les pétitions qui circulent aux USA et UK, il y a encore un gros effort à fournir pour disposer d'endocrinos compétents...)
En attendant les progrès de la médecine thyroïdienne, la recherche s'oriente également vers une reconstitution de la glande à partir de cellules souches, ce qui serait la solution idéale : la garantie d'avoir une nouvelle thyroïde fonctionnelle, cancer ou pas.
http://www.google.com/hostednews/af.....26a2fd162f5.2b1&hl=fr |
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Beate
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Beate
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Beate
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Beate
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Message: (p364079)
Posté le: 04. Oct 2013, 00:08
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Article d'UFC Que Choisir : Ablation de la thyroïde, trop d'opérations inutiles en France
Et on a beaucoup parlé au congrès de la SFE, aujourd'hui, des "incidentalomes thyroïdiens" (nodules thyroïdiens découverts par hasard) ... et du fait que l'immense majorité ne causera jamais aucun problème (reste à trouver des moyens de distinguer ceux qui pourront en poser ... cela aussi, les chercheurs s'y emploient, avec notamment la recherche de mutations, d'expression de microRNA etc ...)
Beate |
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Beate
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Message: (p364103)
Posté le: 04. Oct 2013, 11:44
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Émission sur Europe 1 à 13h20 avec JF Lemoine, "Thyroïde, opère-t-on trop ?" - vous pouvez poser des questions sur Twitter, Hashtag #E1midi et @ElodieHuchard
Suite à un échange via Twitter (où nous nous sommes plaints de ce qu'ils n'avaient pas pensé inviter une association de patients, pour avoir le point de vue des patients - merci à G., twitteuse acharnée !!), Europe 1 va m'appeler pendant l'émission pour que j'intervienne (brièvement) en direct - directement depuis le congrès de la SFE !
Beate |
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Beate
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Message: (p421318)
Posté le: 27. Fév 2016, 20:09
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Bonsoir,
je fais remonter cette discussion de 2013, suite à un article intéressant que j'ai vu passer aujourd'hui sur mon mur Facebook :
http://lucperino.com/441/lache-moi-la-thyroide.html
C'est sur le site de Luc Périno, "médecin, écrivain et essayiste" :
Citation: | Lâche-moi la thyroïde
humeur du 26/02/2016
Le dépistage des cancers est le sujet où se constate le plus grand écart entre la réalité épidémiologique et l’intuition populaire.
Dire que ces dépistages sont inutiles pour la santé publique et individuelle est tellement contre-intuitif que les plus tenaces des détracteurs en ont abandonné la démonstration.
Cependant, après de vaines polémiques sur le sein, la peau, la prostate ou le côlon, il subsiste au moins un organe où le doute n’est plus permis : la thyroïde.
Cette glande qui régule nos métabolismes et notre température est souvent associée à l’image du goitre des montagnardes. Cette disgrâce a disparu simplement lorsque l’on a donné quelques gouttes d’iode à ces femmes qui en manquaient. Vive la connaissance.
Savez-vous qu’en cours de grossesse, le placenta et le fœtus expédient des cellules dans la glande thyroïde maternelle pour la manipuler afin qu’elle transfère plus de chaleur corporelle au nouveau-né ? Ces microchimères persistent longtemps et sont l’une des causes des maladies auto-immunes de la thyroïde, plus fréquentes chez les femmes.
Après la ménopause, l’activité de cette glande diminue naturellement.
Depuis une quarantaine d’années, on assiste à une véritable « épidémie » de cancers de la thyroïde. On a d’abord accusé Tchernobyl, avant de s’apercevoir que les accidents nucléaires ont surtout une incidence sur la glande des enfants, avec un excellent pronostic.
Puis constatant un nombre de cancers triplé ou quadruplé, voire multiplié par quinze dans certains pays vierges de radioactivité, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une épidémie de diagnostics. La puissance actuelle des techniques d’imagerie permet de détecter le moindre nodule millimétrique, bénin dans 80% des cas. Quant aux vrais cancers, ils n’évoluent presque pas, voire régressent naturellement. Voilà pourquoi cette étrange « épidémie » n’a jamais fait varier la très faible mortalité (1 décès pour 200 000 cas) ! Enfin, l’autopsie des femmes révèle moins de cancers de la thyroïde que les hommes, alors que le diagnostic est trois fois plus fréquent chez elles !
Mais les médecins, craignant d’être accusés de négligence, et les patients, étant certains que tout nodule microscopique est un cancer mortel, la thyroïde est enlevée dans 85% des cas !
Cette chirurgie, en plus de son coût financier, a de multiples complications : obligation d’un traitement définitif difficile à stabiliser, dépression, fatigue, paralysie des cordes vocales, destruction des parathyroïdes régulatrices du calcium, ostéoporose, traitement par l’iode radioactif qui augmente le risque de leucémie ou de cancer secondaire. La somme de ces accidents est bien supérieure aux complications naturelles de ce cancer sans gravité.
Certaines institutions et fondations contre le cancer, habituellement alarmistes, sont même allés jusqu’à suggérer l’interdiction de tout examen de la thyroïde.
Mais il est plus long et plus difficile, pour un médecin, de justifier les bienfaits de l’abstention que de promener le patient de radiologues en chirurgiens.
C’est donc au citoyen qu’il faut conseiller d’oublier ses nodules.
Bibliographie
Cancers de la thyroïde
http://www.laradioactivite.com/site/pages/CancersThyroides.htm
Ahn HS, Kim HJ, Welch HG
Korea's Thyroid-Cancer “Epidemic” — Screening and Overdiagnosis
N Engl J Med 2014; 371:1765-1767 November 6, 2014
DOI : 10.1056/NEJMp1409841
Brito JP, Morris JC, Montori VM
Thyroid cancer: zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours
BMJ 2013;347:f4706
DOI : 10.1136/bmj.f4706
Davies L et Welch HG
Current Thyroid Cancer Trends in the United States
JAMA Otolaryngol Head Neck Surg., 2014;140: 317-322
Diez JJ et coll
Spontaneous subclinical hypothyroidism in patients older than 55 years : An analysis of natural course and risk factors for the development of overt thyroid failure
J Clin Endocrinol Metab., 2004 ; 89 : 4890-4897
Fondation contre le cancer
Cancer de la thyroïde, attention au surdiagnostic et au surtraitement
http://www.cancer.be/nouvelles/canc.....ostic-et-au-surtraitement
Kolata G
Study Points to Overdiagnosis of Thyroid Cancer
The new york times, 5 nov 2014
Kolatanov G
Study Points to Overdiagnosis of Thyroid Cancer
New York Times, 5 Nov 2014
Somwaru LL et coll
The natural history of subclinical hypothyroidism in the elderly. The cardiovascular Health Study
J Clin Endocrinol Metab 2012 ; 97 : 1962-9
Welch HG, schwartz L, Woloshin S
Overdiagnosedc : making people sick ine the pursuit of health
Boston MA. Beacon press, 2011 |
Article intéressant (et tout à fait dans la même ligne que nos discussions sur le "surdiagnostic" et le "surtraitement") - mais dommage que l'auteur généralise un peu TROP !
D'un côté, il minimise les risques des cancers thyroïdiens - car si la grande majorité sont peu agressifs et n'évoluent que peu, et très lentement, il existe également des formes agressives (qu'il laisse totalement de côté ...) - de l'autre, il décrit les risques et conséquences de l'opération, et les traitements en cas de cancer, de manière inutilement alarmiste (risquant de créer beaucoup d'angoisses chez ceux chez qui l'opération est indispensable ...)
J'ai mis un commentaire sur son site, on verra s'il me répond ?
http://lucperino.com/287/forum/reac.....cle.html?feedback_titre=Lâche-moi la thyroïde&feedback_page_id=441
Citation: | Lâche-moi la thyroïde
Posté le 27/02/2016 par Beate Bartès
Article très intéressant, et vous avez tout à fait raison de vous élever contre le "surdiagnostic" et surtout le "surtraitement" des nodules thyroïdiens, qui sont en effet très souvent bénins ! Or, comme ils sont très fréquents, notamment à partir de la ménopause, un dépistage trop généralisé transforme plein de personnes auparavant bien portantes en "patients", angoissés par la perspective d'un éventuel cancer !
Et il est vrai que même en cas de cancer, celui de la thyroïde est "souvent" peu agressif (et peut même ne jamais évoluer, comme l'ont démontré certaines études d'autopsies) - mais pas "toujours" ! Malheureusement, il existe aussi des formes plus agressives, et il y a quand-même entre 300 et 400 décès annuels en France ! Responsable d'un forum de discussion pour patients depuis plus de 15 ans, j'ai vu plusieurs ami(e)s mourir rien que l'année dernière, et d'autres qui vont très mal - lire que "LE cancer de la thyroïde n'évolue pas et, souvent, régresse" généralise trop, il faudrait écrire "la PLUPART des cancers de la thyroïde" !
Eviter le dépistage généralisé, oui (notamment par échographie, découvrant même les micronodules dont on ne s'en serait vraisemblablement jamais rendu compte, et qui n'auraient jamais posé de problème), tout à fait d'accord ! Mais faire une palpation du cou lors d'une consultation (les médecins "touchent" de moins en moins, c'est dommage !), cela peut permettre de découvrir un nodule qui pourrait poser problème. Il aurait été intéressant de souligner l'importance des BONS examens à faire - une fois qu'on a découvert un nodule - pour savoir s'il faut opérer ou s'il suffit d'une (légère !) surveillance : utilité d'une (bonne !) échographie et de la cytoponction si nodule gros ou suspect ... (examens très utiles pour rassurer tous ceux, la majorité, dont les nodules ne nécessitent PAS d'opération).
Votre description des risques de l'opération et des traitements en cas de cancer est un peu trop alarmiste (ici aussi en généralisant trop) - du coup, c'est très angoissant pour ceux qui DOIVENT se faire opérer ... or, quand l'opération, et éventuellement l'iode radioactif, est vraiment nécessaire, il ne faut pas hésiter, ces risques sont quand-même rares (et généralement bien maitrisés) ! Il s'agit, pour chaque cas, de bien comparer les risques de l'intervention et ceux de l'abstention thérapeutique (même si ce n'est pas toujours évident, et qu'il faudra davantage d'études) - et aussi de tenir compte de l'avis du patient !
En tout cas, cet article nous permettra de continuer les réflexions déjà en cours sur notre site et dans notre groupe Facebook - et d'encourager les patients à ne pas accepter aveuglement toute recommandation de chirurgie, mais à discuter, à poser des questions, à prendre leur PROPRE décision de la manière la plus "éclairée" possible !
Une discussion déjà en cours : Sujet
Très cordialement
Beate Bartès, e-patiente
Forum et Association "Vivre sans Thyroïde"
www.forum-thyroide.net |
Pour ceux qui lisent l'anglais (sinon, essayez translate.google.com !), un article très intéressant : une interview avec un grand spécialiste américain sur le surdiagnostic des cancers thyroïdiens, où il parle notamment d'une récente étude japonaise et de l'étude qu'ils effectuent actuellement au Memorial Sloane Kattering de New York, avec une "surveillance active" de microcarcinomes papillaires (confirmés par cytoponction) - qui ne sont opérés que s'ils grossissent ou se modifient. L'étude japonaise a montré que 2/3 de ces petits carcinomes n'ont PAS bougé, même jusqu'à 15 ans après ... ce qui est plutôt encourageant !
Overdiagnosis in Thyroid Cancer: The Case for Observation (Aug. 2015) |
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Rapiette |
Message: (p421321)
Posté le: 27. Fév 2016, 23:31
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Bonsoir !
Merci pour cet article, Beate, et pour ton commentaire à destination de son auteur.
Certes, on peut admettre qu'à trop chercher à repérer les cancers débutants on finit par tomber dans le surdiagnostic. Mais comme tu l'as écrit, il ne faut pas pour autant sombrer dans la généralisation hâtive.
Combien de fois lisons-nous les messages de forumeurs opérés pour un nodule finalement bénin, mais derrière lequel on a trouvé un micro-carcinome invisible à l'échographie ? Bien sûr, il y a aussi des patients opérés de nodules suspects qui s'avèrent inoffensifs. La tentation est grande de juger après coup que ce n'était pas la peine d'opérer.
S'agissant d'un billet d'humeur, l'auteur s'abandonne à une certaine fougue. Mais qu'il se mette à la place des patients à qui il conseille "d'oublier leurs nodules", ça fait vraiment sursauter ! J'admets que cela coûte cher, mais en général, on espace les échographies. Personnellement, la prochaine ne sera que dans 2 ans, sauf symptômes alarmants, car ma thyroïde est stable.
On dépenserait peut-être moins en échographies si elles étaient mieux faites. Aux radiologues de se perfectionner, voire de se spécialiser (j'ai pu me rendre compte de la différence).
Et que faut-il comprendre en lisant ceci :
Ces microchimères persistent longtemps et sont l’une des causes des maladies auto-immunes de la thyroïde, plus fréquentes chez les femmes.
L'auteur pense-t-il que comme la cause est connue, il n'est pas utile de soigner les conséquences ? Et que, sous prétexte que l'activité thyroïdienne diminue naturellement après la ménopause, on peut laisser les femmes se zombifier dans un coin ? Mais dans le monde actuel, où il faut travailler de plus en plus tard, où les femmes ne peuvent souvent compter que sur elles-mêmes, ce serait de la non-assistance à personne en danger.
Certaines institutions et fondations contre le cancer, habituellement alarmistes, sont même allés jusqu’à suggérer l’interdiction de tout examen de la thyroïde.
Ce serait un peu fort, tout de même, en arrière toute !
Quant à la palpation, je me demande si elle est vraiment fiable. Mon macronodule de 3 cm avait échappé au généraliste, il est vrai qu'il est situé à la base d'un lobe.
Je pense qu'il faut au contraire mieux suivre les nodules pour éviter les opérations. D'après les informations que tu nous transmets, on est sur la bonne voie.
Bonne fin de week-end !
Rapiette |
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